Les habitants du sud de l’île sont pour l’instant les moins bien lotis par le maillage territorial, explique Fady Hajjar, directeur général de EDM, qui compare le réseau électrique au réseau routier en métropole : « Notre autoroute, c’est la ligne très Haute Tension 90.000 Volts de 8km entre Longoni et Kawéni, implantée en 2014, qui transporte des grandes quantités d’énergie sur de longues distances avec des pertes minimales. Viennent ensuite les routes nationales, le réseau de distribution Haute Tension, qui achemine l’électricité transformée à 20.000 volts depuis les transformateurs vers les 458 postes locaux, qui basculent en 400 volts ou 230 volts. Qui arrivent par nos ‘départementales’ Basse Tension chez les clients. »
Etant donné que pour l’instant, Mayotte ne possède qu’une seule ligne Haute Tension au nord, le sud de l’île reste alimenté par des « nationales », qui s’étirent sur de longues distances, occasionnant des pertes à leur arrivée. « C’est pourquoi nous lançons le mois prochain les travaux de la nouvelle ligne Haute Tension de 18km, Longoni-Sada, qui va sécuriser un peu plus l’alimentation. Un investissement de 31 millions d’euros pour une ligne qui traversera majoritairement les communes de Koungou, Tsingoni, Ouangani et Sada ». Mais les normes environnementales exigent désormais de ne pas travailler en période de nidification, de novembre à mars, « après de longues négociations avec la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement, et du Logement, nous avons estimé une fin des travaux début 2021 ». On voit les limites d’un regroupement de l’environnement et de l’aménagement au sein d’une même direction.
Si notre île n’est plus toujours interconnectée au reste du monde par l’aérien, elle ne l’est pas du tout en électricité en raison de son éloignement géographique. Contrairement à la Corse par exemple, qui bénéficie d’une liaison avec la Sardaigne en cas de forte variation de consommation.
« 80% des lignes enfouies »
Ainsi, notre île est toujours sujette aux coupures, même si de gros progrès ont été faits. Il y a dix ans, tous les habitants avaient des bougies à portée de main, passer une soirée dans le noir n’avait rien d’exceptionnel. Ce n’est plus le cas : « Nous sommes passés de 1.870 minutes de coupure par client et par an en 2014, à 545 en 2018, en espérant atteindre les 400 en 2019 », rapporte Moussa M’roudjae, chef de pôle clientèle.
L’autre volet de la sécurisation passe par l’enfouissement des lignes, « 80% le sont », rapporte Hugues Martinez, Chef de pôle réseau, et par la mise en conformité des lignes aériennes.
De 2014 à 2017, 31km de réseau supplémentaire ont été implantés, dont 12 km enfouis. « Nous avons désormais 550 postes de transformation, contre 250 il y a 10 ans, et nous en mettons 2 à 3 en services chaque semaine, c’est énorme ! », souligne Ghizlaine Amchou, Responsable Exploitation-Ingénierie-Cartographie.
Sur la mise en conformité des lignes électriques aériennes, nous entrons dans le monde des dessins animés, ou dans celui du peintre Magritte et de sa pipe, « Ceci n’est pas un poteau », pourrions-nous parodier, mais un objet de décoration, un mobilier pour certains qui l’ont peint avec goût aux couleurs rose du crépis de la maison, ou qui l’ont intégré au préau, « une dame utilise le fil électrique pour faire sécher son linge ». Ne parlons pas des compteurs dont certains défient les lois de l’apesanteur ou plus couru, la rétrocession, c’est à dire la fourniture, gratuite ou non, d’électricité à des voisins. Ce qui représente 36% des foyers à Mayotte, « nous avons 90km de lignes à remettre en conformité, en coordonnant notre action avec la DEAL, le conseil départemental et les communes. Un travail a été initié avec Dembéni et Mamoudzou. »
« Il va falloir 20 ans pour combattre toutes les rétrocessions »
Après s’être arraché les cheveux, EDM a lancé un plan de bataille en créant une cellule de lutte contre la rétrocession avec le recrutement de 15 agents, dont Nassim Saïd que nous avions suivi. « De 10 opérations sur le terrain en 2018, nous allons passer à 24 en 2019, toutes les communes seront concernées », dévoile Moussa M’roudjae.
Sur les 17% de clients visités, un sur deux a une installation électrique dégradée ou absente. Avec un prévisionnel qui donne le tournis : « On estime à 20 ans le délai pour venir à bout de toutes les rétrocessions ! ». 22.000 foyers sont concernés. Avec un bilan plus que positif au bout de la 1ère année, « depuis que nous coupons l’électricité des branchements illégaux, nous avons enregistré 88% de demandes de branchement supplémentaire par rapport à 2017, soit 856 foyers. »
Feu d’artifice lors de la remise en service
Quant aux coupures, elles ont plusieurs causes, chute d’un arbre, makis, fortes pluies, orage, « dans ce cas, elles durent moins de 30 secondes, car le relais est pris par une autre connexion », ou plus grave, des ouvrages endommagés notamment par des entreprises de travaux. « Beaucoup n’ont pas les autorisations de début de travaux », et ce ne sont pas toujours les plus petits. « Sur un rond point à Kawéni, un dégât avait été provoqué par la Colas il y a deux ans», ou plus récemment, « la SMAE sur Petite Terre, provoquant une panne de grande ampleur. »
Lors de la remise en service, il arrive que la connexion de 400 volts prenne le relais, insupportable pour nos appareils, « dans ce cas, nous remboursons tout dégât occasionné. » Débrancher les équipements pendant une panne n’est donc pas un vain luxe.
Ce point complet a amené les médias dans le protégé bureau central de conduite, « véritable tableau de bord de la gestion du réseau », où règnent en maître les dispatcheurs Ziza Halidi, Ali Mzé et Alexandre Chevillard. Nous y avions suivi un black-out jadis, mais cette fois, aucune sirène n’a signalé de rupture dans les installations.
Anne Perzo-Lafond
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