A la fois concurrentes et complémentaires de Electricité De Mayotte (EDM), les énergies renouvelables ont fait leur entrée dans le Schéma Directeur 2018-2023 de l’opérateur. Aux côtés de la construction d’une ligne Très haute tension, de l’enfouissement des lignes, du bouclage de certaines zones, figure l’augmentation du pourcentage d’Energies renouvelables (ENR) dans le mix énergétique.
Comme son nom l’indique, le mix énergétique représente la proportion des diverses énergies utilisées par un territoire. A l’échelle du monde, il est dominé à plus de 80 % par les énergies fossiles. A 95% par le gasoil à Mayotte.
Le vif enthousiasme pour le photovoltaïque il y a quelques années ici, mu par des tarifs de rachat de l’énergie par EDM très intéressant pour les particuliers, était retombé avec la fin de la défiscalisation à des taux attractifs. L’équipement en panneaux solaires a repris depuis, mais plus modestement.
La part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, ne décolle toujours pas des 5%, en raison d’une réglementation castratrice de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) qui bloquait les compensations pour assurer le stockage de ces énergies volatiles. Etant donné, qu’il est impossible de compter de manière fiable sur le photovoltaïque qui décroche en cas de couverture nuageuse, il est encore aujourd’hui impossible de l’utiliser à plus de 32% à un instant donné, sous peine de mettre en péril la stabilité du système électrique.
Un « Opéra » poussiéreux
En mars 2017, la CRE publiait une délibération favorable qui mesurait les gains espérés en économie d’énergie pour l’ensemble des territoires ultramarins. Et lançait dans la foulée un appel à projets sur les outre-mer… hors Mayotte. Pourtant, sur notre territoire, un projet attend le feu vert depuis… 2013 : Opéra, porté par EDM. Ce qui avait valu à l’époque une intervention du sénateur Thani Mohamed Soilihi auprès de la ministre Ségolène Royal. Il a donc largement eu le temps de prendre la poussière, Opéra, l’« Opération pilote énergies renouvelables » qui désignait une pile géante rechargée à l’énergie solaire et qui permettrait au réseau électrique mahorais de passer le fameux cap de 30% d’alimentation aux énergies renouvelables.
La CRE trainait des pieds, cherchant l’équilibre entre le prélèvement des taxes de Contribution au Service Public de l’Electricité et les économies en consommation d’énergie fossile. « Elle avait du mal à évaluer les économies de diesel que ce projet pouvait lui faire faire », nous décrypte Franck Simard, Responsable de la transition électrique chez EDM.
Bonne nouvelle : dans l’objectif d’enfin inclure Mayotte, la CRE a lancé l’année dernière un appel à projets, bouclé en avril 2019, sur le stockage de l’énergie. EDM a répondu aux côtés de 7 entreprises, pour une totalité de 15 projets. « Nous avons abandonné Opéra pour ‘Gamissa’, signifiant ‘stockez’ en shimaoré ». Mais s’il s’agit de stockage d’électricité, elle n’est pas photovoltaïque et n’aura donc pas d’impact sur le mix énergétique. Pour EDM, c’est à la fois une sécurisation et une optimisation des coûts de production, « en privilégiant le stockage de l’électricité fournie par la Centrale de Longoni 2 plutôt que celle des badamiers, et à des horaires intéressants. » Un stockage qui bénéficiera indirectement au photovoltaïque explique EDM, « en cas d’interruption par météo capricieuse, nous pourrons parer avec cette réserve ». Avec en perspective sans doute de pouvoir relever le plafond des 32%.
Production par biomasse à Dzoumogné
Mais pour l’instant, la part d’énergie fossile dans le mix mahorais n’évolue guère, avec peu de projets depuis l’implantation de la ferme photovoltaïque Sunzil chez EDM à Longoni ou de la centrale photovoltaïque Corexsolar à Dzoumogné, qui fournit une alimentation dont la consommation équivaut à celle de plus de 2000 foyers/jour. Bloquée à 5,7%, la part d’énergies renouvelables doit atteindre l’ambitieux 50% en 2020… Qui pour relever le défi ?!
Deux projets de production de biomasse sont en cours. L’un est opérationnel, « il s’agit de la production d’électricité à partir des déchets portée par la STAR à la décharge ISDND de Dzoumogné. Elle produit depuis décembre 2018. » L’autre est plus lointain, « un projet que nous portons avec Albioma pour produire de l’électricité à partir de la combustion de bois importé ». Les communes ont investi dans l’éclairage public photovoltaïque avec un accompagnement financier considérable de l’Etat et de EDM.
Pour clore ce chapitre du photovoltaïque, les acteurs attendent la publication du programme « Place au soleil », annoncé par le gouvernement en août 2018, en l’occurrence par l’ex ministre Nicolas Hulot et le secrétaire d’Etat à la Transition Ecologique Sébastien Lecornu, « pour mobiliser tous les acteurs pouvant contribuer au déploiement du photovoltaïque et du solaire thermique partout en France ».
On est loin du modèle de ce petit village Guyanais de 4.000 habitants, Saint-Georges de l’Oyapock, qui a lancé la modernisation de sa centrale hydroélectrique EDF et la construction d’une centrale biomasse-bois qui devrait lui permettre dès cette année de se passer entièrement d’énergie fossile pour son alimentation électrique.
Anne Perzo-Lafond
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