L’année dernière, le déficit de vaccination dans les Protections Maternelles Infantiles* (PMI) avait provoqué des décès d’enfants en bas âge. Une situation sanitaire alarmante qui avait incité Santé Publique France à mener une campagne de vaccination sans précédent sur l’île, en coopération avec l’Agence régionale de santé (ARS) : 4.000 enfants avaient été vaccinés du 22 mai au 30 juin 2018.
A l’origine, une grogne des infirmiers des PMI de Mayotte face à la vaccination qu’ils pratiquaient en dehors de tout cadre légal, et sans percevoir de compensation. Sur le plan réglementaire, la Haute Autorité de Santé (HAS) autorisait la pratique de la vaccination pour les infirmiers sans la présence d’un médecin, hormis sur les femmes enceintes et les primo-vaccinés. Ce qui pose un problème à Mayotte étant donné la pénurie de médecins, que connaît la métropole dans certaines zones. « Le mouvement d’humeur des infirmiers de Mayotte a permis d’adopter un protocole national », retraçait Mouhoutar Salim, Directeur adjoint de l’antenne de Mayotte, de l’ARS OI.
En effet, s’appuyant sur le décret du 26 septembre 2018, un premier protocole national de coopération médecin-infirmier lève ces restrictions. « Mais elles ont été jugées encore trop strictes pour Mayotte », expliquait le docteur Abdon Goudjo, conseiller médical de l’ARS, qui donne des exemples « d’allègements »: « Pour être habilité à vacciner les 0-6 ans sans la présence d’un médecin, l’expérience pédiatrique exigée est de un an à Mayotte, contre 5 ans en métropole, et la condition de 20 consultations nécessaires passe à une journée ici. » Le protocole spécifique à Mayotte devrait être signé « d’ici un mois ».
Le docteur Daniel Floret à la tête de la délégation
Une évolution qui va dans le sens de la « délégation de tâches » annoncée par la ministre Agnès Buzyn lors de son passage à Mayotte, qui avait suscité une certaine émotion du côté des médecins. Une réaction qui ne tient pas compte du contexte, pour le docteur Daniel Floret, pédiatre, professeur à l’université de Lyon II, membre du Comité technique de vaccination à la HAS : « C’est du corporatisme, il y a des pays où les professionnels de santé vaccinent, ça se passe très bien. L’important, c’était d’apporter un cadre juridique par ce protocole. »
Il est pour 10 jours à Mayotte, à la tête d’une délégation d’une vingtaine de personnes, formée par 12 infirmières, dont deux puéricultrices, un préparateur en pharmacie, un pharmacien, un second médecin et un référent de la réserve sanitaire. Avec deux objectifs majeurs : former les infirmiers et les sages-femmes, et vacciner sur prescription médicale, dans les cinq circonscriptions de l’île, Nord, Mamoudzou, Centre, Sud et Petite Terre. Il y aura encore plusieurs rotations de 10 jours de professionnels de Santé Publique France jusqu’au mois de septembre.
Une 1ère année de médecine à la prochaine rentrée
Devant eux, Mouhoutar Salim revient sur l’importance de la formation : « Nous avons créé en septembre 2018, un groupe de formation pour le secteur du médico-social, composé du conseil départemental, de l’ARS, du vice-rectorat, dans la logique d’une ARS de plein exercice à Mayotte en 2020. Dans le « plan avenir » rédigé à la suite des mouvements sociaux, figure une rubrique ‘attractivité’, avec formation du personnel mahorais. »
Un écho au discours du vice-président du conseil départemental Issa Issa Abdou, Chargé de l’Action social et de la Santé, qui avait réitéré sa détermination dans ce domaine : « Dans les dernières promotions de médecins, il n’y a pas de mahorais. Notre objectif est donc de mettre en place dès la rentrée prochaine une 1ère année de prépa médecine au Centre universitaire de Mayotte, sinon dans 10 ans, on en reparlera encore. »
Se pose toujours le problème du cadre, car Mayotte ne dispose pas d’un Centre Hospitalier Universitaire, comme à La Réunion. Avec lequel un partenariat pourrait donc se nouer. « C’est la même logique qui a prévalu lorsque nous avons signé une convention avec notre CHM pour que leurs professionnels interviennent en PMI », rapporte Issa Abdou. Un dispositif qui est « en rodage », nuance-t-il, au regard des problèmes de compensation, « mais que nous allons résoudre. » Les PMI ont longtemps été un volet oublié du conseil départemental. L’élu peut compter sur un solide partenaire à ses côtés, Mouhoutar Salim, qui livrait une de ses formules choc : « Les PMI ne sont pas une fatalité, mais une responsabilité partagée, CD, ARS et Santé Publique France. »
Et on sent Issa Abdou déterminé, « c’est une chance que je préside à la fois à la destinée des PMI au conseil départemental, et le conseil de surveillance du CHM. Il faut que cela ouvre des portes. »
Pour l’instant, elles le sont, et en grand, pour une 2ème campagne de vaccination d’envergure.
Anne Perzo-Lafond
- Les centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI) sont des services de santé publique du Département, qui assure conseils et soins médicaux pendant la grossesse et jusqu’aux 6 ans de l’enfant
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