“Procédure surprenante” pour l’avocate Marjane Ghaem. Le 31 mai dernier, la police municipale patrouille près du marché couvert de Mamoudzou. Chez les vendeurs à la sauvette, c’est la débandade. Tous détalent sauf un qui vend depuis sa camionnette, et qui se contente de fermer les portières. Contrôlé par la police, il est livré au commissariat menottes aux poignets et auditionné sans être placé en garde à vue. Sur la base de ses déclarations, il est poursuivi pour vente à la sauvette.
Mais au delà du délit, c’est la situation administrative de ce quadragénaire qui interpelle. Arrivé en 2007 après un long voyage via le Kenya et la Tanzanie, il est désormais “piégé à Mayotte, où il vit de la vente d’oignons” résume son avocate. Oignons, songe ou encore choux chinois sont la seule ressource de ce Rwandais sans permis de travail. Invité à quitter le territoire, laissé sans réponse de sa demande d’asile, il a tenté de demander une aide au retour pour retrouver son fils, laissé au Rwanda. Problème, assure-t-il, la France n’organise pas de retour vers le Rwanda depuis Mayotte. Une solution qui lui serait d’ailleurs fermée, puisque cet ancien militaire ne dispose plus de documents d’identité attestant de sa nationalité rwandaise. En résumé, il ne peut ni rester, ni partir, et ses seuls moyens de subsistance lui valent d’arriver au tribunal. “J’ai fait ça pour survivre, se défend-il, c’est difficile pour moi de vivre comme ça”.
Une situation qui n’est pas près de s’arranger selon la procureure Pajak-Boulet. “Plus vous allez commettre d’infractions, plus ce sera compliqué pour votre situation administrative” prévient-elle. “On est tous sensibles à sa situation, mais la première règle est de respecter les lois du pays qui nous accueille”. Soucieuse de délivrer un “avertissement solennel”, elle réclame 400€ d’amende avec sursis. Peine suivie par le tribunal.
Au risque d’entériner une “situation ubuesque et ridicule” pour l’avocate de la défense, dont le client “ne demande qu’à rentrer chez lui”.
Le condamné n’a désormais guère d’autre choix que de reprendre son activité de vente illicite de légumes, pour payer les 127€ de frais de procédure imposés à toute personne reconnue coupable d’un délit.