On nous demande aujourd’hui de voter pour une entité qui continue à nous sembler abstraite. Ce ne sont pas les arguments qui manquent à tous ceux qui tentent avec bonne volonté, de nous la rendre concrète cette Europe : ici, les fonds européens avec l’achat d’amphidromes (on ne s’attardera sur le plan de financement bancal de départ), là, des barrières commerciales protectrices (quand ce sont de grands lobbys qui mènent la danse), ou là encore, l’exaltation de faire partie d’un même et grand ensemble, mais dont on a du mal à percevoir ce qui forge l’unité.
Dans l’hebdomadaire « le 1 » de Fotorino du mois de mars, un dossier lui est consacré sur le mode interrogatif, « L’Europe peut-elle repartir ? ». Autour d’un constat général formulé par Régis Debray, qu’il faut donner à l’Europe un imaginaire commun. Cité dans l’article, De Gaulle avait dit « Je n’ai jamais cru bon de confier le destin d’un pays à quelque chose qui s’évanouit ». C’était en 1971. Depuis, l’euro et les marchés n’ont pas donné plus de philosophie ni de sens de l’Histoire, laissant les 28 pays européens fonctionner avec des institutions, dont celle que nous renouvelons aujourd’hui, mais sans s’inquiéter de l’identification de ses peuples, l’identification à quoi d’ailleurs ?
Ce qui a changé par rapport aux précédentes élections européennes, ça n’est pas seulement le coup de semonce du Brexit, même s’il y a participé, c’est justement la quête d’imagerie commune que tous formulent. On ne va pas voter ce dimanche par « obligation » de renouveler le Parlement européen, mais on aimerait voter pour un idéal. Or, il va se retrouver par défaut dans notre bulletin. Faute de leader et d’idée fédératrice.
Un repli-réflexe
Nous avons en catalogue, pour ou contre la protection des frontières, avec l’idée d’une armée européenne commune, ou la lutte contre le dérèglement climatique ou encore le dégagisme avec le Frexit, mais rien qui propose un argumentaire fort d’unité. Parce que s’il est facile d’avoir envie de se serrer les coudes après avoir vécu le choc de la guerre, les enfants gâtés par la paix que nous sommes sont devenus plus exigeants, et demandent à avoir un cap. Or, il n’a pas été donné.
Nous l’avons écrit ici à plusieurs reprises, lorsque survint le choc migratoire, les 28 ont mis du temps à réagir, et ce fut une politique au coup par coup de quotas, sans voir plus loin que le bout de nos frontières, une situation dont nous ne sommes pas encore sortis. C’était comme si rien n’avait été anticipé, alors que c’est une des conditions pour gagner les batailles. Du coup, par réflexe myotatique, les peuples ont réagi par un repli sur eux-mêmes, donnant le spectacle actuel des partis prônant un retour au national.
Que faire alors ce dimanche ? Déjà, pour ne pas maugréer dans son coin, il faut s’exprimer, donc choisir une des 34 listes, il y a le choix. Solidarité, climat, frontière… même si l’abondance de propositions nuit à la clarté de cette imaginaire collectif que nous recherchons. Ils faut donc rester exigeants sur l’après. Car si nous nous rendormons dans la monotonie, et sans avoir été excités dans notre désir d’unité, ce seront d’autres « exit » qui pourraient nous attendre.
Les 176 bureaux de vote du département vous attendent de 8h à 18h.
Anne Perzo-Lafond
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