Les mesures de simplifications donnent souvent cette impression de compliquer les choses. La réforme de la police nationale présentée par son directeur national Eric Morvan n’échappe pas à la règle. Après deux jours à Mayotte, le “DGPN” laisse derrière lui autant de questions qu’il a apporté de réponses.
La raison principale de sa visite, c’est la présentation d’un projet de réorganisation en profondeur de la police nationale en outre-mer, avec “un double objectif, l’efficacité et l’efficience”, autrement dit, faire mieux, et pour moins cher. “C’est une visite importante car ça fait un petit moment qu’un DGPN ne s’était pas rendu dans l’océan indien” note le haut fonctionnaire. Dans un contexte de hausse récente des effectifs à Mayotte, le grand patron des policiers voulait “voir les effets mais aussi les difficultés qui restent à régler”.
Il a aussi pu rencontrer le major qui a perdu un oeil, victime d’un jet de pierre, et les syndicats qui n’ont pas manqué de réclamer des effectifs supplémentaires. Un besoin d’effectif réel “à Mayotte comme ailleurs, je dois faire des arbitrages, la situation de Mayotte est prise en compte” assure le patron de tous les policiers.
Alors comme souvent quand on ne peut pas faire plus, on essaye de faire autrement. Mayotte, avec la Guyane et la Nouvelle Calédonie sera dès septembre territoire d’expérimentation pour une nouvelle organisation de la police. “Au lieu de services divisés en spécialités, on projette de placer la police nationale sous un commandement unique” explique le directeur. Actuellement, deux entités distinctes cohabitent : la Direction départementale de la police aux frontières (DDPAF) dirigée par le commissaire divisionnaire Jean-Marie Cavier, et la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) dirigée par le commissaire Philippe Jos. Ces deux postes sont donc amenés à disparaître au profit d’un unique référent qui dirigera les deux services. La nouvelle super-structure sera divisée en “métiers”, la sécurité publique et la PAF resteront deux activités distinctes. Sauf pour l’investigation, qui réunira les enquêteurs du commissariat et de la BMR (le service d’enquête de la PAF), un service formation et un service du renseignement territorial (SDRT), qui existe déjà sous la direction du commissaire Jos.
Le but est d’amener les fonctionnaires de la PAF et de la DDSP à “travailler ensemble”, comme le font déjà policiers et gendarmes au sein du SDRT.
Mais cette annonce soulève des questions. Qui dirigera le nouveau service ? Une nomination doit être annoncée dans les semaines à venir. Une inquiétude subsiste aussi sur les locaux. La nouvelle direction sera sans doute tentée de s’installer sur Petite Terre, près des services du préfet qui sera toujours l’autorité supérieure de la police, et de la PAF qui sera sous sa direction. Mais avec le risque d’éloigner le nouveau patron de la police de Mamoudzou. Actuellement, le commissaire est fréquemment en première ligne avec ses hommes en cas d’intervention, notamment de maintien de l’ordre. Cela semble moins évident en étant sur Petite Terre. A l’inverse s’il reprenait le bureau du commissaire Jos, il s’en trouverait moins proche des agents de la PAF, eux aussi habitués à voir leur directeur sur le terrain.
Quoi qu’il en soit, dès septembre l’expérimentation débutera avec un “temps de réflexion” de trois mois, pour une mise en oeuvre “opérationnelle” dès janvier prochain. Si elle est concluante, l’expérience sera étendue aux Antilles, à La Réunion et la Polynésie française à la fin de l’année prochaine.
Y.D.