A chaque visite ministérielle, une des premières questions posées à Annick Girardin porte sur les annonces qu’elle compte faire. La titulaire du porte-feuilles de l’outre mer l’a bien compris. Pour sa cinquième visite officielle, la ministre est venue avec un panel d’annonces, et de nouveaux moyens, principalement dédiés à la lutte contre l’immigration clandestine.
Il a d’abord fallu aux deux émissaires du gouvernement passer l’épreuve du Collectif des citoyens, qui les attendait de pied ferme à l’aéroport. “Bienvenue à Mayotte, à condition que vous fassiez ce qu’on demande” a attaqué une militante avant de lâcher une remarque sur la couleur de peau de la porte parole du gouvernement. “Notre sœur est arrivée je la vois souvent à la télé” sourit-elle alors qu’Annick Girardin venait de citer Sibeth NDiaye qui se tenait à ses côtés. Fatihou Ibrahime, porte parole du mouvement qui s’est constitué au fil des grèves de 2018 et qui a fait de l’immigration son cheval de bataille, a quant à lui refusé de saluer la ministre.
“Ca devient du tourisme ministériel, estimait-il. Je dérogerai à la règle de la bienséance par manque de respect pour ce qui se passe à Mayotte, je ne vous serrerai pas la main aujourd’hui, je suis convaincu que vous êtes en train d’enterrer Mayotte.” Lui, dénonçait l’accord cadre franco-comorien qui selon le Collectif “enterre Mayotte”. “Comment peut on accepter que sur le perron de l’Elysée un chef d’Etat étranger revendique la souveraineté sur un territoire étranger avant de faire une accolade au président de la république. C’est notre territoire qui est remis en cause” commente le porte-parole. La ministre a promis de s’expliquer sur cet accord, fruit de plusieurs mois de tractations diplomatiques entre la France et l’union des Comores.
La ministre s’est ensuite rendue au ponton de Dzaoudzi pour y découvrir les moyens de patrouille en mer, et le Maria-Galanta. Elle y a évoqué de nouveaux moyens humains notamment, avec 22 personnels embarqués supplémentaires, soit 12 pour la PAF et 10 pour la gendarmerie maritime. Deux nouveaux volets sont ouverts pour la surveillance maritime : des moyens aériens qui sont à l’étude, et la mobilisation de vaisseaux hauturiers de la Marine, qui seront affectés à la LIC plusieurs fois par an.
A Mamoudzou, c’était au tour de la LIC Terre. 26 nouveaux gendarmes départementaux et 35 policiers de la PAF sont annoncés pour les semaines à venir. Ces moyens humains s’accompagneront d’une nouvelle organisation, avec par exemple une cellule de lutte contre le travail illégal, contre la fraude dans les délivrances de titre ou encore un renforcement de la justice avec 7 nouveaux greffiers au tribunal. Le tout mené en parallèle d’une coopération internationale renforcée, en termes de sécurité, d’économie et de traitement des demandeurs d’asile. Tout cela s’inscrit dans le cadre de l’opération Shikandra, le nom mahorais du poisson baliste titan, réputé agressif, coriace, à la peau épaisse et de ce fait, assez immangeable. Le ton est donné.
Pour Annick Girardin, l’objectif chiffré de 25 000 reconduites à la frontière “peut être atteint”, voire dépassé. Quant au risque de bavure, de reconduite de citoyens français, ou de malades ou d’étrangers en cours de régularisation comme le dénoncent plusieurs associations, la réponse ne semble pas à la hauteur de l’enjeu.
“Quand on veut mener une action telle que ça a été décidé depuis un an et demi, il y a eu malheureusement des problématiques, mais on les règle, le plus souvent. Il y a des règles et la France respecte les règles qui sont les siennes. Le préfet de Mayotte y veille. On peut mettre le doigt sur une difficulté, on peut mettre le doigt sur des erreurs qui des fois peuvent être graves, mais on apporte les réponses qui sont justes. On est sur tous les fronts à la fois et on répond au quotidien des Mahorais” a longuement répondu la ministre, sans présenter de mesure de contrôle supplémentaires.
Dernière séquence liée à l’immigration clandestine, celle concernant le logement. Annick Girardin s’est pour cela rendue à Doujani pour y visiter un prototype de logement à bas coût, destiné à favoriser l’accession à la propriété. Ces habitations en préfabriqué, à la structure métallique, sont censées résister aux aléas tels que les risques sismique et cyclonique. Le tout pour un coût unitaire de 50 000€. L’objectif affiché est de remplacer peu à peu les bidonvilles.
“La question du logement insalubre demande un certain nombre de réponses. On vient de voir la présentation d’un prototype de maison pour un coût final de 50 000€. On est dans une volonté de protéger les populations, on est là pour lutter contre ce qui se fait, c’est à dire des locations totalement illicites de gens qui profitent de la détresse des Mahorais ou des étrangers qui sont sur le territoire. On ne peut plus louer illégalement des bâtiments totalement délabrés”. Pour la ministre,”la question du logement est centrale dans l’objectif qui est de mieux vivre à Mayotte demain. C’est lutter contre les bangas qui sont des situations inacceptables.” “Si on veut supprimer l’ensemble des bangas, il faut proposer autre chose” conclut-elle.
16 000 constructions de ce type pourraient sortir de terre d’ici 10 ans. Un premier lot de 10 maisons doit être livré d’ici la fin de l’année.
Y.D.
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