“C’est un peu la conclusion des autres publications” indique Jamel Mekkaoui, directeur à Mayotte de l’Institut national des statistiques et études économiques (Insee). Après avoir rendu des analyses poussées sur la démographie, l’emploi ou encore le logement, l’Insee a dressé un tableau des conditions de vie village par village. Et les disparités n’en sont que plus visibles. “Le village est très connu à Mayotte, mais il n’a pas de réalité ou de délimitation juridique, alors que c’est l’élément sociologique de base” rappelle le responsable local. “Quand quelqu’un se présente, il donne son village, pas sa commune”. Et de rappeler que les communes ont été créées à Mayotte par un décret de 1977 qui les présente comme des “regroupements de villages”. On compte ainsi 72 villages répartis dans 17 communes.
Puisque les données de l’Insee ont vocation à éclairer les débats et politiques publics, l’étude a travaillé sur des critères qui servent précisément à définir les priorités en politique de la Ville. On retrouve ainsi l’équipement des logements en électricité et en eau courante, la présence d’un logement en dur ou non, le taux d’emploi et celui d’habitants diplômés. A noter que les détenteurs du seul brevet des collèges ne sont pas considérés comme “diplômés”.
Suivant cette méthode, l’Insee a fait émerger quatre grands groupes de villages. On trouve les villages qui “cumulent les difficultés” : en tout 16 villages représentant 57 700 habitants, soit un quart de la population. Un chômage à 83%, moins de la moitié des logements y ont l’eau courante, 62% des logements sont en tôle. Ce sont aussi les villages dont la population a le plus augmenté, avec +37% d’habitants entre 2012 et 2017.
Ces villages sont surtout situés à l’est (Hamouro, Hanjangoua, Vahibé, Tsoundzou 1…) et au nord (Dzoumonié, Trévani, Majicavo-Koropa…) mais des villages comme Kahani, Dapani ou Mramadoudou “cumulent les difficultés” aussi.
Ensuite, 21 villages présentent des conditions de vie “précaires”. Principalement situés autour de Mamoudzou et Dembéni, on y retrouve aussi Mangajou et Ouangani ainsi que Miréréni et Malamani, entre autres. Ces villages qui enregistrent une hausse de population de 25% représentent 44% de la population de l’île, soit 113 400 personnes. C’est de loin le groupe le plus peuplé. On y dénombre 28 000 logements dont 57% sont en dur et 37% disposent du confort sanitaire de base.
Les deux derniers groupes sont les 25 villages qui présentent des conditions de vie “supérieurs à la moyenne de Mayotte” et les 10 villages aux “conditions de vie les plus favorables”. A l’exception de Pamandzi, Mamoudzou centre et Majicavo Lamir, porté par les Hauts Vallons, ces villages sont principalement situés sur la bande littorale ouest et au sud de Grande Terre. A M”Bouanatsa par exemple, aucun logement en tôle n’est répertorié en 2017. Les logements en dur représentent 80% du parc à Bouéni village. Dans ces villages, on note sans surprise une nette corrélation entre le taux d’emploi et l’accès à des logements en dur dotés de sanitaires. A Majicavo Lamir par exemple, le taux d’emploi atteint 48%, 45% des logements sont climatisés (contre 23% en moyenne dans le département) et 46% des foyers ont une voiture, contre à peine 27% dans l’île. Dans les villages les plus favorisés, la population n’a pas du tout augmenté, alors qu’elle a crû de 25% dans le reste de l’île en 5 ans.
Si ces disparités semblent participer d’une certaine logique, il est intéressant de noter que le fossé se creuse entre les villages les plus démunis et ceux où il fait “bon vivre”. On constate ainsi que dans le premier groupe, les conditions de vie se sont dégradées en 5 ans. On note en moyenne moins de logements en dur et moins d’accès à l’eau potable dans ces 16 villages.
Les grandes conclusions de cette étude : disparités est-ouest, inégalités qui se creusent, démographie plus forte dans les villages les plus démunis, sont autant de bases de travail pour les municipalités. Des outils qui prennent tout leur sens à quelques mois des élections municipales.
Y.D.