Le sujet est technique mais d’une importance capitale pour Mayotte. En accédant au statut de région ultrapériphérique de l’UE en 2014, le tout jeune département s’est vu proposer une enveloppe considérable de fonds européens, pour le social (FSE), l’agriculture (Feader) et les infrastructures (Feder). Rien que pour le Feder, c’est 150 millions d’euros. Les deux nouveaux amphidromes sont un des fruits les plus visibles par le grand public de cette manne financière.
Celle-ci n’est toutefois pas évidente à obtenir, les dossiers sont lourds, il faut avancer la trésorerie avant de toucher le pactole, et toutes les structures, y compris publiques, n’ont pas les reins assez solides. On peut citer notamment le Sieam, dont le projet de station d’épuration de Mamoudzou-Sud, en retard, risque de se voir privé de financement européen s’il ne tient pas les délais. Mais alors de quoi parle-t-on au juste ?
En clair, l’enveloppe européenne est mise à disposition, avec des contrôles drastiques, de 2014 à 2020. Les dossiers doivent impérativement être bouclés, et les projets engagés, avant la fin de l’année prochaine. Dans le cas contraire, le fonds est remis à plat, et l’enveloppe 2021-2027 risque d’être bien plus légère. C’est le dégagement d’office. Les projets non engagés d’ici la fin 2020 seraient alors, soit pas financés, soit reportés.
Les fonds européens sont de la compétence du Département, en théorie. Depuis 2014 toutefois, eu égard à la complexité de ces dossiers, c’est l’Etat, via la préfecture, qui les gère. En septembre, le gouvernement a, malgré le souhait du Conseil départemental de récupérer cette compétence, annoncé qu’il la conserverait encore quelques années.
Aujourd’hui, l’urgence pour notre territoire est de ne pas laisser filer ces sommes : plus on les consomme, plus on a de chance d’en avoir à consommer pour les années à venir. Pour se faire une idée, sur les 1,7 milliard d’euros du plan pour l’avenir de Mayotte, près du tiers sont des fonds européens.
Si pendant plusieurs années, l’utilisation de ces fonds a été lacunaire, il y a une lumière au bout du tunnel. “Les voyants sont au vert” estime Arnaud Benoît, adjoint au Sgar à la préfecture. Actuellement, la programmation pour le FSE est de 62% et celle pour le Feder, de 70%. “On est proche des taux nationaux” se réjouit la préfecture. Un satisfecit à nuancer toutefois, puisque le taux de paiement n’est, pour le FSE, que de 13 à 14%. La différence s’explique toutefois. Le FSE, c’est principalement des services et des salaires, il faut pour toucher les fonds européens justifier de chaque dépense. Ce sont donc des milliers de factures et de fiches de paye à éplucher, ce qui prend du temps. Ce service a été externalisé par la préfecture et devrait donc être mené à bien. Le taux de paiement devrait bondir. La bonne nouvelle, c’est que les fonds engagés sur l’exercice 2014-2020 peuvent être justifiés jusqu’en 2024, ce qui laisse encore du temps pour réduire l’écart entre sommes programmées, et sommes versées.
La Commission européenne de son côté se trouve rassurée de voir les projets avancer. “Le taux de programmation a doublé depuis notre visite en juin dernier” salue Gaetane Meddens de la commission qui note “une dynamique positive, je vous encourage à poursuivre”.
Les poussières dans les rouages, ce sont ces dossiers dits “à risque”, comme la station d’épuration susmentionnée, qui “risquent de ne pas être bouclés dans le temps imparti” notamment en raison de doutes sur la capacité de financement des porteurs de projet, ou de retard dans le traitement de leur dossier. “On attend de tous les acteurs des efforts de finalisation des projets, on entre dans une période où il faut redoubler d’effort en programmation comme en exécution” conclut la Commission européenne qui se dit “vigilante” sur le risque de dégagement d’office. Par ailleurs, s’il elle a été sollicitée, l’aide à la formation des fonctionnaires sur les fonds européens pour les collectivités locales est programmée à “zéro pourcent” indique la préfecture. Ce qui impliquerait qu’aucune collectivité n’ait encore fait les démarches pour en bénéficier.
Afin de limiter le risque de pertes de fonds, il a été décidé cette semaine de prévoir des redéploiements. En clair, les sommes qui risquent de ne jamais arriver jusqu’au porteur de projet pour les raisons évoquées ci-dessus pourraient être allouées à d’autres, plus solides : RSMA et Apprentis d’Auteuil dont partie des porteurs de projets jugés fiables et gourmands en fonds européens. La lutte contre la pauvreté pourrait elle aussi se voir attribuer des fonds réservés à d’autres, mais qui n’auront pas du les utiliser à temps.
Y.D.
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