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Pt Conseil d’Etat : «  85% des contentieux portent sur les étrangers à Mayotte », rapporte Bruno Lasserre

Le vice-président du Conseil d’Etat est à Mayotte pour regarder d’un peu plus prés le traitement par sa juridiction des droits des étrangers. Mais aussi pour parler de révolution culturelle : « Il faut essayer de s’entendre avant d’avoir recours au juge ! »

C’est une spécificité du conseil d’Etat : son vice-président est aussi son président. Non pas une manière d’occuper le terrain, mais un héritage du passé, lorsque le Conseil d’État était présidé par le chef de l’État ou par une autorité politique.

Depuis 2018, c’est Bruno Lasserre qui préside cette haute juridiction. Il est à Mayotte pour répondre à une lettre de mission, « je dois travailler à la simplification du droit des étrangers. Il y a une superposition de textes de lois, c’est devenu impénétrable pour les juges, pour l’administration et pour les associations. » Or, à Mayotte, 85% des contentieux portent sur les étrangers, « c’est une particularité. Nous avons ici 2.700 litiges à traiter par an, de façon rapide et avec une justice de qualité ».

Ils portent essentiellement sur les conditions d’éloignement. Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, est différent à Mayotte, notamment la durée de séjour d’un étranger au Centre de Rétention Administrative (CRA) est de 5 jours avant de pouvoir faire appel au Juge des Libertés et de la Détention, au lieu de 2 jours dans le reste du pays. « En réalité, les personnes ne restent que 17 à 20h ici, contre 15 à 30 jours au CRA de Marseille. Un délai qui s’explique par la proximité du territoire d’origine des migrations et des liaisons maritimes quotidiennes. »

Sur les 27.000 Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF) annuelles, moins de 10% sont contestées, 2.200. Ils seront 15% à obtenir satisfaction, soit environ 350.

La personne expulsée peut aussi déposer un référé liberté qui suspend la procédure, « ce sont 1.450 affaires par an environ. Il faut statuer en 48h ». La moitié des personnes qui ont recours à cette procédure obtiennent gain de cause.

Pas encore de tribunal administratif d’appel en vue

Une affaire jugée en visio au Tribunal administratif de Mamoudzou

Cette spécificité d’activité liée en grande partie au droit des étrangers, fait du tribunal administratif un bon élève, « car il faut prendre des décisions dans les temps légaux ». Ainsi, les délais de jugement d’une affaire sont de 5 mois, et hors des procédures d’urgence, d’un an, « équivalents à la moyenne nationale. 1% des affaires, soit 13, sont vieilles de plus de deux ans, c’est rien. »

Avec le doublement des affaires en deux ans, ce recours de plus en plus important au droit de la part des personnes reconduites, impose un renforcement des équipes au tribunal administratif. Et Mayotte est bien lotie : « Sur 10 postes de magistrat créés sur l’ensemble de la France, deux sont alloués à Mayotte, pour porter l’effectif réel à 12. » Le greffe aussi sera nanti, avec un poste supplémentaire. Donc, peu d’espoir de voir Mayotte se doter d’un tribunal administratif d’appel, les jugements continueront à se faire en Chambre détachée de La Réunion, « le président des tribunaux administratifs de La Réunion et de Mayotte, Gil Cornevaut, est présent la moitié du mois à Mayotte. » Même si Bruno Lasserre dit « ne refuser aucune évolution », les jugements en visio ont donc pour l’instant de beaux jours devant eux, « et ça fonctionne très bien. » Mais pas toujours audible au fond de la salle.

D’ailleurs, le vice-président du Conseil d’Etat est aussi là pour développer le numérique, avec la mise e place de « Télérecours », « c’est obligatoire dorénavant de saisir sa procédure en ligne pour l’avocat ou la collectivité concernée. Nous sommes dans le zéro papier. » Les justiciables sans avocat ont à leur disposition le « Télérecours citoyen ».

« Une bonne négociation vaut mieux qu’un bon procès »

Aux côtés de Bruno Lasserre, Gil Cornevaut qui préside des tribunaux administratifs de La Réunion et Mayotte

La dernière raison de sa venue n’est pas la moins pittoresque, puisque l’homme de loi nous invite… à nous en passer. « Il faut inciter les français à aller vers des solutions amiables, à se tourner vers la médiation ». On parle là des contentieux que chacun peut avoir avec l’administration, « comme les inscriptions à Pôle emploi, les hospitalisations, l’accès aux prestations sociales, etc. » Partant du principe qu’ « une bonne négociation vaut mieux qu’un bon procès », les juges vont demander désormais au justiciable qui les saisit de prouver qu’il a tout fait pour tenter la médiation.

Et ça marche ! « Sur les zones où cela a été testé, 80% des contentieux sur Pôle emploi par exemple sont résolus en amont, grâce au médiateur. » Problème, ça ne fonctionne pas sur le droit des étrangers, « et à Mayotte, nous allons avoir du mal à mettre en place la conciliation immédiatement. » Si la société est habituée à la médiation, notamment avec l’action des cadis, il faut en effet des compétences en droit administratif, « il faut réserver cela à des avocats à la retraite, ou à des anciens universitaires. »

Le 18 décembre à Paris se tiendront les Assises de la médiation administrative, « cela implique une culture nouvelle, d’abord de l’administration qui doit apprendre à reconnaître ses erreurs, et des conseils des usagers que la médiation est dans l’intérêt de tous. » Pas d’inquiétude, le chômage pour les avocats, c’est quand même pas pour demain !

Bruno Lassere a rencontré les magistrats, les auxiliaires de justice, les associations Cimade, Solidarité Mayotte, « et toutes celles qui travaillent en amont pour épauler les étrangers à déposer un dossier de demande de séjour ».

Anne Perzo-Lafond

Anne Perzohttps://lejournaldemayotte.yt
Anne PERZO Le journal de Mayotte https://lejournaldemayotte.yt

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