De nouvelles mesures viennent au secours des victimes de violences conjugales. Pour les diffuser, et notamment celle portant sur l’ordonnance de protection, le Centre Départemental d’Accès au Droits (CDAD), présidé par Laurent Ben Kemoun, président du Tribunal Judiciaire (TJ), avait réuni les assistants et assistantes sociaux qui œuvrent dans l’accès aux droits dans leurs structures respectives, CCAS, Associations familiales, etc.
L’ancienne salle d’audience du TJ était comble ce jeudi pour écouter en introduction Virginie Benech, la Juge aux Affaires familiales exposer le principe de l’ordonnance de protection : « Toute victime de violences conjugales peut demander une ordonnance de protection, qu’elle soit le fait du conjoint, ou d’un ex-conjoint, et qu’il y ait cohabitation ou pas ». Nous l’avions interviewée pour détailler ces mesures qui donnent davantage de droits aux victimes.
Une mesure qui n’est pas anodine, « qui permet d’éloigner l’auteur des violences, de protéger les enfants, et aussi d’attribuer un logement à la victime, y compris si celui-ci appartient au conjoint ». Si celui-ci possède un chombo, il peut être contraint de le remettre aux forces de l’ordre.
L’éloignement de la famille de celui qui pourvoit financièrement à sa subsistance est compensé : il sera demandé au conjoint une contribution aux charges familiales dans le cas de couples mariés, ou d’une aide matérielle, dans le cas de conjoints Pacsés, et si aucun contrat légalement reconnu n’est signé, une aide financières est ordonnée pour les enfants.
Une carte de séjour pour les victimes de violences conjugales
Dans la salle, de nombreuses interrogations des accompagnants des victimes de violences. Tout d’abord sur la nature des contrats de mariage. « Le passage devant le cadi est-il considéré comme un mariage ? » Venus en appui et parce qu’ils auront un rôle à jouer en pool à travers une permanence, les avocats sont dans la salle. C’est la bâtonnière Fatima Ousseni qui rappelait que « depuis 1995, ce mariage n’est plus reconnu, et le cadi doit inciter les couples à passer aussi devant le maire. Sinon, ça n’a aucune valeur dans ce cas. » Quoiqu’il en soit, l’ordonnance de protection s’applique quelque soit le mode d’union choisi, et une compensation financière est prévue.
Lorsqu’elles sont victimes de violences, les femmes en situation irrégulière sur le territoire peuvent aussi saisir le juge d’une demande de protection et demander l’aide juridictionnelle, « et dans le cadre du Ceseda*, elle peuvent demander une carte de séjour provisoire, que la préfecture doit obligatoirement délivrer », rajoutait une avocate. Et si la victime ne veut pas que sa nouvelle adresse soit diffusée, elle peut indiquer celle de son avocat.
Eloignement et même privation du domicile, contribution aux frais familiaux… La mesure prive l’auteur des faits de pas mal de droits, et des preuves vont être demandées. Le certificat médical, en est une, « sinon des transcriptions de sms sur les portables, de mails, ou l’attestation d’un passage répété pour ces faits de violences dans vos associations. Il est donc conseillé de tenir à jour un répertoire des fréquentations des centres. »
La date limite de consommation d’une plainte
L’idéal est d’avoir déposé plainte auprès du commissariat, de la brigade de gendarmerie ou du procureur. D’abord parce qu’elle déclenche normalement une enquête, et ensuite parce qu’elle permet aussi de faire intervenir la force publique quand le conjoint ne respecte pas la décision de justice. La plupart du temps, les femmes victimes de violence ne déposent qu’une main courante et ne souhaitent pas déposer plainte, expliquait Assani Halidi, référent auprès des victimes au commissariat.
Une armée de doigts levés dans la salle, signe d’un sujet chaud. « Beaucoup tentent de déposer plainte, mais on leur répond qu’on ne peut pas la prendre… » L’avalanche de reproches dans ce sens incitait le policier à évoquer des services en tension, « nous ne sommes pas assez, mais conseillez aux victimes de se rapprocher de l’ACFAV ou du procureur. » Même combat à la gendarmerie selon un témoignage, qui s’interrogeait sur la durée de vie d’une plainte : « Des parents qui avaient porté plainte en Petite Terre pour des violences contre leur fille de 14 ans par son petit ami, se sont entendus répondre que maintenant qu’elle avait 15 ans, la plainte n’était plus valable. » « Impossible ! », répondaient les représentants des forces de l’ordre.
La matinée se poursuivait sur le mode de requête de saisine du juge aux affaires familiales, la place des avocats et le recours à l’aide juridictionnelle, ainsi que l’obtention de l’exécution du jugement, autre problème difficile à suivre.
Anne Perzo-Lafond
* Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Comments are closed.