Pas de pénurie de masques, assure la directrice générale de l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Mayotte, “nous en avons toujours à l’hôpital”, et une commande est en cours, mais à utiliser avec parcimonie. C’est une de ses mise en garde de la lors d’une audioconférence avec la presse locale. Si selon Dominique Voynet, Mayotte était correctement dotée au début de l’épidémie, les masques sont ensuite partis comme des petits pains… non perdus mais volés, puisque « plusieurs stocks ont disparu des dispensaires notamment, ainsi que du gel hydroalcoolique », pour être revendus au marché noir. La directrice du CHM a déposé plainte. « Et on voit des gens se balader avec des masques sur la tête, ou à moto, quand des professionnels de santé en ont besoin, ou bien des personnes détectées positives ».
Un des grands producteurs mondiaux étant chinois, les masques ont été utilisés sur place, alors que le pays qui semble avoir endigué l’épidémie annonçait ce mercredi la livraison d’un million de masques en Europe. Mayotte n’était jusqu’à présent « pas considérée comme prioritaire », n’ayant pas eu de cas. La situation a évolué, et dans les jours qui viennent, des nouvelles commandes doivent arriver, notamment en provenance de La Réunion « où sont conservés les stocks zonaux ». « Les masques seront dorénavant entreposés dans une zone gardée par la gendarmerie », indiquait la directrice de l’ARS.
Pour obtenir du gel hydroalcoolique, il faut de l’éthanol, « que l’on ne peut faire voyager, car inflammable. On nous envoie donc un stock de gel. »
Les gants, de faux amis
Quant aux gants, ce sont de faux amis : « Les caissières des supermarchés ne doivent pas les utiliser. Ils doivent être réservés aux médecins qui savent qu’il faut les enlever par exemple pour se toucher le visage. » Une solution doit être trouvé dans ce cas, les caissières manipulant à la file des produits que des clients ont touché avec leurs mains. Elles peuvent ainsi contaminer toute une chaine de consommateurs, même en se lavant les mains chaque heure comme nous expliquait l’une d’entre elles.
Nous apprenions ce jeudi matin qu’un 4ème cas était enregistré à Mayotte, « bénin comme les autres, même si l’un est toujours hospitalisé en raison de la persistance des signes cliniques. » Il n’y aurait pas eu beaucoup de cas contacts, « il a appelé le 15 quasiment immédiatement. » Dominique Voynet en profitait pour déplorer l’énervement qui gagne certaines personnes contact qui refusent une mise en quarantaine.
A ce propos, elle tenait à éclaircir une confusion en donnant un référentiel de vocabulaire : « L’isolement strict concerne une personne positive au Coronavirus, à distinguer du confinement qui touche le grand public et les personnes qui reviennent de métropole ou de zones à risque. »
« Le virus ne circule pas pour l’instant »
La saturation des appels au 15 a été pointée du doigt par les cas n° 2 et 3, qui a impliqué un délai de 48h avant leur prise en charge. Une réalité qui n’est plus selon Dominique Voynet : « Nous avons peu de personnes qui se signalent pour des signes évoquant cette maladie, mais beaucoup qui sont inquiets sur l’éventuelle risque encouru par leurs proches. C’est pourquoi nous avons mis à disposition un numéro Vert* pour répondre aux questions du public. Et depuis ce jeudi, nous avons reçu le renfort de l’infectiologue de l’hôpital. » Il assure notamment le suivi des personnes placés à l’isolement, « le temps de terminer leur bilan clinique. » La situation est loin d’être inquiétante selon elle, « beaucoup de tests pratiqués sont négatifs, le virus ne circule pas pour l’instant. »
Les arrivées aériennes depuis la métropole se sont considérablement réduites depuis mercredi en raison de mesures restrictives, « et elles devraient encore diminuer sous réserve de la déclaration de la ministre des outre-mer. Nous avons néanmoins besoin de faire venir les 3 tonnes de fret hebdomadaire pour l’hôpital et de pouvoir évasaner. Cela nécessite de maintenir un vol quotidien depuis La Réunion, et un par semaine depuis Paris. »
En matière de préoccupations quotidiennes, les enterrements avec de nombreux participants sont toujours du domaine de la prise de conscience collective, « les médecins ont bien dit que tout seuls, ils n’y arriveront pas », ainsi que les taxis bondés où la distanciation sociale se mesure centimètre, et encore, à l’unité, « des consignes ont été données aux syndicats de taxis, mais ils mettent du temps à s’adapter. » Exiger qu’ils n’embarquent pas plus de 2 personnes à l’arrière ne serait pas superflu.
Avec l’activation d’une cellule régionale d’appui et de pilotage (CRAPS), ouverte de 8h à 18h, « qui permet de ne pas louper une information touchant à cette épidémie », on voit que l’ARS s’organise pour redonner confiance à la population confrontée, comme partout dans le monde, à une crise sans précédent.
Anne Perzo-Lafond
* 0 801 90 24 15 (du lundi au vendredi de 8h à 18h – appel gratuit