Avec 80 cas en deux jours, Mayotte prend une tangente métropolitaine plus qu’ultramarine. « Nous avons plus de cas car nous testons plus, mais pas seulement. Proportionnellement à l’accroissement du nombre de tests, le pourcentage de positifs augmente », rapporte Dominique Voynet. Et encore, nous sommes loin d’avoir acquis un rythme de croisière en matière de tests, puisque nous n’en sommes pas encore aux 200 annoncés par jour. Et les injonctions nationales mettent un coup de pression supplémentaire.
Edouard Philippe dans son discours à l’Assemblée nationale du 28 avril, parlait en effet d’un objectif national de 700.000 tests par semaine à partir du 11 mai, histoire d’accompagner le déconfinement. Pour chaque malade déclaré il s’agit de tester « au moins 20 à 25 personnes l’ayant croisé dans les jours précédents », a-t-il précisé. Un objectif difficile à atteindre à Mayotte, avertit Dominique Voynet : « Nous ne testerons que l’entourage des malades qui ont eu un contact avec l’extérieur, pas s’ils sont restés chez eux en famille. »
En cause, l’approvisionnement encore et toujours. Les régions en phase épidémiques sont prioritaires sur les tests, ce que nous n’étions pas. C’est désormais le cas, mais il faut les moyens qui vont avec, « il nous faut davantage de biologistes, d’appareils et de consommables. »
Si le pont aérien « fonctionne sans rupture », indique Dominique Voynet, se doter de réactif pour les tests reste « une guerre de tous les jours ». Et pas seulement, « c’est la même chose pour les écouvillons, ou les tubes, il en manque dans tous les hôpitaux français. Ce matériel est importé des Etats-Unis. » Une situation que résumait Christophe Leikine, Directeur de cabinet de Dominique Voynet, « L’ARS se bat sur tous les tarmacs de métropole pour assurer l’approvisionnement ».
« 16 personnes sont en réanimation » toutes maladies confondues
Pour répondre aux directives nationales, notre montée en puissance cible les 400 tests par jour « avant le 20 mai », en s’appuyant sur « la capacité théorique de l’hôpital de 300 tests quotidiens, c’est un véritable défi pour le CHM, et 100 pour le laboratoire privé”.
L’enjeu semble s’être déplacé des masques vers les tests. « Nous avons un mois de stock en masques pour les professionnels de santé. Nous nous méfions d’une rupture éventuelle d’approvisionnement en cas de report d’un avion, nous ne descendrons pas en dessous de 8 jours de stock. » Si la directrice de l’ARS martèle qu’il est géré « avec parcimonie », elle explique qu’avec 5 masques par soignant et par jour, « le taux d’équipement à l’hôpital est supérieur à la moyenne nationale. »
Si le nombre de cas en réanimation ne permet pas (encore) de parler d’engorgement, le nombre d’hospitalisations en médecine lui, inquiète. Il a d’ailleurs été rajouté au critère de saturation de services hospitaliers énoncé par Edouard Philippe : « Nous avions ce mercredi 16 lits de réanimation occupés, dont 4 par le Covid 19, et les autres soit par la dengue, soit d’autres pathologies. Nous pouvons équiper au total 38 lits de réanimation et 15 lits supplémentaires avec des équipements standard. Car ici, la préoccupation actuelle porte moins sur la réanimation que sur les hospitalisations en médecine. » Certainement en raison d’une population jeune qui développe une forme moins grave de la maladie. « Nous avons fait remonter à Paris nos demandes d’évasan pour les non Covid vers le CHU de La Réunion, peu sollicité actuellement. »
Confinement, un large seuil de tolérance
Des sujets qui sont abordés en conférence de presse sur le site même de l’ARS. Pour s’y rendre, les journalistes ont été confrontés à la naissance d’une nouvelle espèce, les bouchons de confinement. Ils ont quasiment le même look que l’ancienne variété, à ceci prés que des femmes et des hommes masqués sont aux commandes. Et aucune vérification d’attestations par la police. Un allègement du confinement qui n’effraie pas la représentante de la santé : « Nous considérons que le confinement est respecté à partir du moment où une personne sur deux s’isole, et que une personne sur deux n’a pas ou peu de contacts sociaux. » Sur un territoire où la préoccupation d’une bonne partie de la population est la survie alimentaire, on peut envisager que restent confinés ceux qui en ont les moyens.
Mais beaucoup étant tenté de faire partie de la moitié fêtarde, des messages recadrant le confinement, et mettant en garde contre la contagiosité du virus doivent redoubler d’intensité. Car parmi les raisons de l’accroissement du nombre de cas, Dominique Voynet concédait qu’on retrouvait le murengue, la recherche groupée de pétrole lampant, « et les mosquées qui continuent à fonctionner ». Résultat, l’épidémie gagne les quartiers les plus reculés, « les quartiers de bangas sont désormais touchés. »
Le modèle mathématique de l’ARS de projection de l’épidémie, sur lequel nous reviendrons, montre que si l’isolement avait été strictement respecté, nous serions déjà sortis de l’épidémie.
En conséquence, des 3 critères énoncés par Edouard Philippe pour sortir du rouge, nombre de cas, saturation de l’hôpital et capacité de tests, Mayotte n’en coche aucun, « nous sommes dans le rouge sur tout ! » concluait Dominique Voynet avant d’annoncer un confinement prolongé au moins jusqu’au 18 mai ici.
Anne Perzo-Lafond