Créé en 1992, l’UICN est le réseau d’organismes et d’experts de l’Union internationale pour la conservation de la nature en France.
Dans un courrier adressé avant tout aux maires et représentants des collectivités de Mayotte, avec copie au gouvernement et à nos parlementaires, son président fait état des remontées de terrain : « Le couvert boisé de Mayotte, qui héberge l’une des plus grandes densités d’espèces indigènes de plantes vasculaires au monde, a subi un défrichement de 6,7 % entre 2011 et 2016. » Ce qui en fait « le département subissant la plus forte déforestation en France ».
Sur cette période, ce sont 1.400 hectares de terres boisées qui ont disparu, « amenant Mayotte à un taux de déforestation annuel de 1,2%, similaire à ceux de l’Argentine ou de l’Indonésie ».
Un constat dressé par la Direction de l’agriculture de l’alimentation et de la forêt (DAAF), la Direction de l’environnement de l’aménagement et du logement (DEAL), l’Office National des Forêts (ONF), le Conseil départemental de Mayotte et les associations locales.
Ces chiffres sont comme d’habitude liés aux brûlis à des fins agricoles illégales, et dans une moindre mesure, au défrichage manuel et aux animaux domestiques qui broutent ça et là.
Pas de contrôle sur les parcelles privées
Un phénomène, qui, « tout comme le braconnage des tortues marines », s’aggrave depuis le confinement lié à la crise sanitaire du COVID-19, du fait de la diminution de la présence des agents sur le terrain. « A ce rythme, la population mahoraise ne pourra bientôt plus bénéficier de l’ensemble des nombreux services rendus par la forêt : préservation de la ressource en eau, lutte contre l’érosion des terres, prévention de l’envasement d’un des plus beaux lagons du monde », met en garde l’UICN.
Ce sont à 95% des parcelles privées qui sont déboisées depuis 2011, soit 1.422 ha, contre 78 ha en forêt publique. « Ces pertes se concentrent donc en forêts non soumises au régime forestier. La rédaction ambiguë du Code forestier de Mayotte est un des facteurs à l’origine de ce phénomène, car il n’encourage pas les autorités compétentes et les associations locales à agir. »
Depuis que ces infractions se multiplient, les citoyens ont demandé des sanctions, en vain. Le poste de substitut du procureur en charge de l’environnement avait pourtant été créé en 2018. Cela ne semble pas avoir porté ses fruits selon Bernard Cressens, qui rapporte que « les procédures de police administrative et judiciaire concernant les délits de défrichement illégaux sont d’ailleurs, à notre connaissance, quasiment inexistantes. » Nous avons plus d’une fois dénoncé le nombre insuffisant d’agents de police de l’eau à la DAAF ou des agents environnementaux au Département.
En attente de la Réserve nationale des forêts
Annoncée, la création de la « Réserve Naturelle Nationale des forêts de Mayotte » est une nécessité, « mais aussi l’occasion de construire une politique forestière robuste pour Mayotte, permettant de sensibiliser la population mahoraise à l’importance de la préservation des forêts notamment grâce au travail des associations mahoraises qui permettent d’ancrer une réponse locale. »
Il livre 7 propositions, dont la révision du code forestier à Mayotte, l’augmentation de l’effort de surveillance et de contrôle, mieux protéger juridiquement les parcelles, mettre en place de fourrières pour les animaux d’élevage (déjà au programme en 2007…), mettre en place des programmes d’agroforesterie (mode d’exploitation agricole qui associe la plantation d’arbres) et de reboisement.
Le rapport inter-ONG « Forêts en crise » souligne l’urgence de réaliser un bilan approfondi des pratiques de gestion dans les forêts d’outre-mer. « Mayotte fait partie d’un hotspot de biodiversité au niveau mondial, et ses forêts représentent un « château d’eau » pour l’île dans un contexte de tension forte sur la ressource en eau, en quantité tout comme en qualité. »
A.P-L.