Des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres. Ce constat effectué au niveau mondial se confirme à Mayotte, mais dans des proportions exceptionnelles, et pour des raisons bien spécifiques à notre département.
Premier constat de l’Institut national des études et statistiques économiques, le chiffre de 84% d’habitants vivant sous le seuil de pauvreté n’est plus exact : il est descendu à 77% de la population.
Cela pourrait ressembler à une bonne nouvelle, mais il faut comprendre que le seuil de pauvreté est relatif, il est établi en fonction du revenu médian, c’est à dire le seuil au dessus duquel la moitié de la population se trouve, et la moitié en dessous. Or, depuis 2011, le niveau de vie médian a baissé. Or le seuil est fixé sur des bases nationales, et au niveau local, les revenus ont globalement baissé.
“L’explication, c’est la migration” précise Jamel Mekkaoui, directeur de l’Insee. La migration, et pas seulement l’immigration. Car s’il est vrai que des gens très pauvres arrivent massivement et tirent le revenu moyen vers le bas, il est tout aussi vrai que les plus aisés ont tendance à quitter Mayotte vers la métropole ou La Réunion, ce qui joue aussi sur les statistiques.
77% de la population, ça représente 200 000 habitants qui vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14% en métropole et 53% en Guyane, ça reste donc énorme, confirmant Mayotte au triste rang de région la plus pauvre d’Europe, et en tout cas de France.
Parmi cette population, 110 000 mineurs vivent en situation de pauvreté.
Le constat global depuis 2011, c’est qu’il y a plus de “très pauvres” : 42% de la population vit avec moins de 160€/mois et par habitant. (L’Insee parle d’unité de consommation, UC, car les enfants par exemple ne comptent pas comme un adulte célibataire en termes de consommation).
Autre donnée parlante : les plus pauvres des 10% les plus aisés de Mayotte gagnent 6x le salaire médian de l’île. A l’inverse, les 40% les plus pauvres sont 20% plus pauvres qu’en 2011.
Si l’écart se creuse, c’est pour une double raison. D’une part, l’arrivée de migrants en grande précarité, qui n’ont droit à aucune aide sociale. Ainsi à Mayotte les prestations ne pèsent que pour 17% des revenus des plus pauvres, et ne remplissent pas leur rôle de levier contre la pauvreté, en raison de règles spécifiques visant à ne pas encourager l’immigration. Sans succès mais avec de lourdes conséquences. D’autre part, la généralisation de l’indexation des fonctionnaires, qui gagnent 40% de plus qu’en métropole, tire les plus hauts salaires vers le haut, les éloignant d’autant de la réalité des plus pauvres et des salariés du privé. L’augmentation de 14% du SMIG puis du SMIC à Mayotte a aussi tiré vers le haut les salariés qui gagnent le moins, améliorant leur niveau de vie. En moyenne donc, ceux qui travaillent gagnent plus, et ceux qui ne travaillent pas galèrent plus.
La corrélation entre la pauvreté, l’emploi, les diplômes et le lieu de naissance est aussi criant. 94% des ménages dont le chef de famille est né hors de France sont pauvres à Mayotte contre 60% pour les natifs de Mayotte. Mais l’emploi ne fait pas tout puisque 58% des ménages dont le chef de famille travaille sont aussi en situation de pauvreté. De quoi alimenter grandement le débat public sur les politiques à mener en matière de lutte contre la pauvreté, dans un département où les enjeux comme les problématiques sont sans commune mesure avec le reste du territoire.
Y.D.
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