“C’est quelque chose de nouveau, de positif, il faut lui donner une chance d’exister” estime le capitaine Chamassi qui constate “une prise de conscience des élites” et veut croire en “des avancées fortes”.
L’initiative, ce sont les “Assises de la sécurité”, qui se tiendront les 9 et 10 novembre prochains. Ce mardi, une première réunion préparatoire réunissait des acteurs de l’Etat, du Département et plusieurs maires et parlementaires. Le but : faire un tour de table pour poser des diagnostics après les violences des dernières semaines, et évoquer des solutions avec un cabinet de conseil mandaté par la mairie.
Avec regret, nous n’avons pas entendu parler de “pauvreté”, ou de “droit sociaux” parmi les explications de la délinquance. En revanche, une place largement acquise à l’immigration clandestine, et aux parents démissionnaires. Citant un “lien direct entre immigration clandestine et insécurité” le sénateur Thani salue un consensus. “C’est une conviction des Mahorais, et le préfet l’affirme aussi” salue-t-il. Tout en souhaitant éviter de “stigmatiser une partie de la population” il estime “plus facile de tomber dans la délinquance” quand on est en situation irrégulière. “Si nous voulons les bons remèdes il faut les bons diagnostics” plaide le sénateur.
Mansour Kamardine, le député LR, estime quant à lui qu’il faut “une co-construction dans la lutte contre la délinquance”. Le mot co-construction, qu’il répètera à deux reprises, était pourtant déjà au cœur du projet élaboré en 2018 dans le plan pour l’avenir de Mayotte. Deux ans plus tard, la situation est “la même, voire pire qu’au début de l’année 2018” déplore une personnalité de l’assemblée sous couvert d’anonymat.
Alors, aux mêmes problèmes, les mêmes solutions ? Le maire de Pamandzi estime que “l’Etat peut mettre les moyens pour surveiller les frontières maritimes, il faut qu’il nous écoute nous, les maires”. Le premier magistrat de Koungou cible lui “l’insécurité, l’immigration, les naissances”, liant les trois. Le président de la Cadéma plaide lui pour un effort diplomatique afin de développer l’école aux Comores pour y offrir aux enfants une scolarité “décente”.
Enfin, clairvoyant sur l’enclavement de Mayotte, Issa Issa Abdou, vice président du Département en charge du social y réclame l’application de la circulaire Taubira de 2013 qui “permet à un département débordé par ses mineurs de les dispatcher sur le territoire national. Or ce n’est pas applicable en outre mer. On nous avance toujours le précédent à ne pas répéter des enfants de la Creuse, mais alors, on fait quoi ? Il faut fermer le robinet et dispatcher”.
Le directeur de cabinet du recteur Didier Cauret fait le constat amer suivant : “il ne se passe pas une semaine sans qu’on constate des faits de violences aux abords des établissements scolaires. Il est clair que l’Education nationale a un rôle à jouer. Mais tout ça ne peut se faire qu’en redonnant aux parents le rôle qui est le leur, un rôle de responsabilité vis à vis de leurs enfants. Nous devons travailler pour réinvestir les parents, il faut une synergie de tous les acteurs ou on n’y arrivera pas. Les jeunes peuvent être oisifs, mais ils ont surtout besoin d’un cadre” conclut le responsable.
Si cet avis compte parmi les plus éclairés de cette réunion, la présentation faite par le cabinet conseil interpelle davantage, tant ses propositions semblent en décalage avec la réalité du territoire. Une des propositions consiste à élaborer une “enquête en ligne” avec un “cahier de doléances” pour recueillir les propositions des citoyens. Une idée qui rappelle fortement la vaste enquête menée dans tout l’outre-mer il y a tout juste un an et qui a donné lieu à un “livre bleu” dont on n’a plus vraiment entendu parler ensuite. Parmi les ateliers proposés, le cabinet préconise d’attirer les jeunes avec “un groupe de RAP”. Pourquoi pas.
Autant dire qu’il reste du boulot pour voir émerger des solutions concrètes et adaptées au territoire et à ses problématiques propres. Ces nouvelles Assises permettront peut-être d’y parvenir. C’est du moins la volonté de la mairie de Mamoudzou qui porte le projet.
“Ce qui est nouveau, c’est que ça vient de la base, de la commune, argue le DGS de la mairie de Mamoudzou Toihir Youssouffa, jusqu’à présent, on nous imposait des réflexions. Là ça part d’une collectivité. A la fin, il y a aura un document qui sera un pacte défendu auprès des ministères. Ce qu’on attend c’est de la détermination, tout le monde est mobilisé. Ce sera une démarche en profondeur qui va mobiliser l’ensemble des acteurs. La sécurité qui nous intéresse, ce n’est pas la répression, notre ADN, c’est la prévention. Maintenant il faut voir comment on coordonne tout ça, comment occuper les jeunes”.
Pour le capitaine Chamassi, cette nouvelle démarche s’apparente à “une mobilisation générale”, et si les premières lignes du projet ont un air de réchauffé, il y a selon lui lieu de croire que ces Assises porteront leurs fruits. “Il y aura une coordination, on saura qui fait quoi. L’Etat à Mayotte a entendu les élus” assure-t-il.
Y.D.
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