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vendredi 6 décembre 2024
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Victime de violence policière : un procès après 11 ans de procédure

Pour Sylvain Philys, gérant du Relais des Indes, c'est le soulagement. 11 ans après avoir été selon le procureur "tabassé" par un policier de la BAC, il a été blanchi de l'accusation de rébellion qui portait sur lui, et son agresseur, absent à l'audience, a été condamné.

L’affaire arrive tard devant la justice, les faits datant de 2010. Depuis, le mouvement des Gilets Jaunes a fait des violences policières un sujet de société, et cela donne à ce dossier une coloration particulière, que ce soit sur l’esprit de corps des policiers, sur les difficultés que peut avoir l’IGPN (la police des polices) à accabler un collègue, ou encore sur la complaisance de certains médecins prêts à grossir le trait sur un certificat pour faciliter la plainte d’un policier.

Mais revenons-en au début. Nous sommes le 15 janvier 2010. A Passamaïnty, l’hôtel restaurant Le Relais des Indes organise un “apéritif dinatoire”. Musique d’ambiance, les convives, parmi lesquels beaucoup de gendarmes, discutent.

C’est un vendredi soir. Il est 23h quand un voisin estime que l’établissement fait trop de bruit et empêche ses enfants de dormir. L’homme se rend sur la propriété de Sylvain Philys, et franchit le portail. Le gérant vient à sa rencontre, le voisin se présente comme “policier de la BAC et se plaint du bruit. Très rapidement, la situation dégénère totalement. Le propriétaire des lieux reçoit un coup au visage et tombe. Le policier prend un coup de bâton à l’arcade. Son colocataire, resté chez lui, appelle les collègues de ce dernier sur le numéro de service de la BAC, et ceux-ci interviennent, pensant vraisemblablement que leur collègue venait d’être agressé. Sylvain Philys reçoit encore des coups, au sol, et finit avec “des rangers sur le visage” selon un gendarme témoin de la scène. Ensanglanté, il est interpellé et emmené au commissariat, torse nu, les policiers lui ayant refusé d’enfiler un tee-shirt. Il passera 2h en cellule avant d’être présenté à un médecin qui, constatant une double fracture du visage, le déclare dans un état incompatible avec la garde à vue. La victime reçoit 14 jours d’ITT et décide de porter plainte.

Le policier réplique avec une plainte également, affirmant que le gérant a porté le premier coup, s’est rebellé, et aurait “acheté” des témoins. Le fonctionnaire se présente au CHM avec une blessure superficielle à l’arcade, il y reçoit 3 jours d’ITT et un point de suture. Il revient quelques heures plus tard à l’hôpital où il consulte un autre médecin qui “curieusement” selon le parquet, lui délivre cette fois 30 jours d’ITT et déclare observer 4 points de suture.

Du côté des témoins, c’est le brouhaha. Certains retournent leur veste au cours de l’enquête. Mais les gendarmes présents font bien état d’une interpellation à la violence “disproportionnée” et “hors de propos”. Par ailleurs, deux policiers présents ce soir-là dans l’équipage BAC arrivé en renfort refusent de témoigner à charge ou à décharge. Selon eux, ils “surveillaient le véhicule” et tournant le dos à la scène, n’ont “rien vu”.

“Avec 2 fractures de l’os facial comment aurait il été en état de résister à son interpellation ?”

A la barre du tribunal

Depuis 2019, le dossier a été plusieurs fois appelé à la barre et renvoyé. Cette fois il a donc pu être jugé, et, une fois n’est pas coutume, le parquet a été implacable envers le policier. Pour le restaurateur-hôtelier, le parquetier a réclamé une relaxe générale, pour les violences, qualifiées de légitime défense, pour la subornation de témoin, pas avérée, et pour la rébellion, difficile à qualifier pour un homme à terre à moitié sonné.

“Avec 2 fractures de l’os facial comment aurait il été en état de résister à son interpellation ?” s’interroge le substitut du procureur.

En revanche, s’agissant du policier “je pense que M. a bien commencé le premier. C’est lui qui s’introduit dans le domicile” note le procureur Bruno Amouret. Et de lister les éléments à charge envers le fonctionnaire de la BAC qui a depuis quitté Mayotte. “Personne ne se plaint de tapage nocturne à part lui. C’est lui qui s’introduit dans le domicile sans y être invité, (…) Un médecin décrit 4 points de suture alors qu’un seul point a été posé quelques heures avant, je trouve ça curieux. Comme si on essayait de prouver que M. Philys s’était acharné. Pourtant lui a bien été tabassé, on a des témoignages qui le décrivent au sol avec des rangers sur la tête. (…) On a un témoignage qui met en cause M. et quelques heures plus tard, le même témoignage avec les mêmes mots mais où les noms sont inversés.

Pour les violences par M. Phillys je vais requérir la relaxe, j’ai l’impression qu’on essaye de faire croire qu’il a commencé, à mon sens ce n’est pas la réalité.”

Par ailleurs note le parquetier, “l’IGPN ne se prononce absolument pas clairement sur une culpabilité de M. Philys” et “deux policiers de la BAC, dans une pudeur absolue affirment qu’ils avaient le dos tourné et n’ont rien vu alors que l’interpellation se passait mal”.

Pour l’avocat de Sylvain Philys, “la rébellion n’a pas eu lieu, elle a servi de prétexte comme bien souvent dans d’autres juridictions quand l’interpellation a été trop violente”.

Les juges lui ont donné raison, en relaxant totalement le gérant du Relais des Indes, et en condamnant le policier à 1 an de prison avec sursis, et une indemnisation provisoire de 10 000€ en attendant une expertise médicale. Ils n’ont pas prononcé la non-inscription au casier judiciaire.

11 ans après les faits, la victime, enfin reconnue comme telle, se plaint de douleurs au visage “comme si chaque matin un camion m’avait percuté” et d’une perte de vision.

Y.D.

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