« C’est une première, une décision inédite ! Enfin une décision du Conseil d’État qui vient considérer que le régime dérogatoire pour l’accueil des demandeurs d’asile à Mayotte est contraire au droit européen », se félicite Pauline le Liard, chargée de mission à la Cimade Mayotte. « Contrairement à ce que soutient en défense le ministre de l’intérieur et conformément à la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 citée ci-dessus, ces dispositions ne créent pas une simple faculté, pour l’autorité compétente, de faire bénéficier les personnes concernées de conditions matérielles d’accueil adaptées à leurs besoins et leurs ressources, mais leur en font obligation jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué sur leur demande d’asile », considère en effet la plus haute juridiction administrative.
Partant, le juge administratif estime dans le cas d’espèce qui lui est soumis, que le terme mis aux aides octroyées à une demandeuse d’asile alors que la Cour nationale du droit d’asile n’a pas encore statué sur sa demande constitue une atteinte grave et
manifestement illégale au droit d’asile. Et ordonne de ce fait à l’État « d’accorder sans délai à la requérante, jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué sur sa demande d’asile, les aides de nature à lui assurer ainsi qu’à son fils un niveau de vie qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale, en prenant en compte la circonstance qu’il ne leur est pas proposé d’hébergement ».
30 euros par mois contre 200 en métropole
« C’est le début d’une victoire pour tous les demandeurs d’asile qui vivent dans une extrême précarité à Mayotte », considère encore Pauline Le Liard. Car à Mayotte, comme nulle part ailleurs sur le territoire Français, les demandeurs d’asile ne bénéficient que d’un hébergement d’urgence d’un mois et de bons alimentaires de 30 euros mensuels, pendant les six premiers mois de leur procédure. C’est le fruit de l’interprétation – contredite ici par le juge administratif – du régime dérogatoire local inscrit dans le Ceseda, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En métropole, un demandeur d’asile est logé et perçoit 6,8 euros par jour (environ 200 euros par mois), le temps de l’instruction de son dossier. En Guyane, cette aide y est de 3,8 euros par jour, soit environ 115 euros par mois. Une différence de taille, alors même que les délais de traitement des demandes d’asile sont particulièrement longs sur le territoire, comme l’a rappelé la Cimade dans son intervention auprès du Conseil d’État à l’occasion de ce dossier.
L’occasion de « faire un pas vers l’égalité »
Déboutée lors de sa première requête en référé devant le tribunal administratif de Mayotte, la mère de famille obtient ici ce qui était au coeur des revendications des demandeurs d’asile lors de leurs différentes manifestations de l’année dernière. Lesquelles n’avaient conduit qu’à une proposition d’hébergement d’urgence pour une cinquantaine de personne. « Au vu du nombre de demandes et du peu de places, il est évident que nous ne pouvons absolument pas espérer proposer systématiquement un hébergement aux demandeurs
d’asile », expliquait en décembre la sous-préfète Nathalie Gimonet, alors que ne se posait pas pour les autorités la question d’aides financières.
Avec cette décision, « on espère que la préfecture va prendre les dispositions nécessaires, qu’elle se saisisse de cela pour faire un pas vers l’égalité et accorder de l’aide aux demandeurs d’asile le temps de leur procédure », fait valoir la chargée de mission à La Cimade Mayotte. « Ce serait dommage de devoir à nouveau saisir le juge… », glisse-t-elle. Bien certaine que cette « première », n’aurait pas de mal à faire des émules.
G.M.
Comments are closed.