C’est l’Assemblée nationale qui le dit : « Une augmentation récente de la délinquance, dans le quartier populaire de la Goutte d’Or du XVIIIème arrondissement de Paris, mais aussi dans d’autres villes comme Rennes, Marseille, Lyon ou Montpellier, a contribué à ramener dans l’actualité le sujet de la prise en charge des mineurs non accompagnés ».
Un phénomène encore peu connu en Hexagone, le Parlement explique donc encore : « Les mineurs non accompagnés sont les personnes âgées de moins de 18 ans, de nationalité étrangère, qui se trouvent sur le territoire national sans adulte responsable. Le sort de ces jeunes, pour la plupart adolescents, soulève une problématique qui n’est pas nouvelle mais dont l’ampleur ne cesse de croitre dans un contexte global de crise migratoire : la France a en effet accueilli plus de 17.000 mineurs non accompagnés entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, contre près de 15.000 en 2017 et 8.000 en 2016. »
Mayotte est un laboratoire, a-t-on l’habitude d’entendre. Que ce soit pour le vivre ensemble ou comme exemple de résilience, ou encore, sur la gestion de l’immigration clandestine et des mineurs autrefois dits « isolés », désormais considérés comme « non accompagnés ». Soit dit en passant, aucun des deux termes ne convient car ils donnent lieu à des jonglages de chiffres, et le secrétaire d’Etat en charge de l’Enfance et des Familles en a récemment laissé tomber quelques uns.
Une errance progressive
Allant à contrecourant des statistiques et minorant leur impact, Adrien Taquet a effet expliqué devant les sénateurs, que Mayotte « compte 300 mineurs non accompagnés, car les 4.000 jeunes ne sont pas totalement isolés. Une grande majorité a des membres de leur famille sur le territoire mahorais ». Le ministre ignore là le nombre de 4.446 mineurs non accompagnés livré en 2016 par l’Observatoire des mineurs isolés qui mentionnait que environ 300 n’avait aucun référent adulte. Or, 300, c’est le nombre de mineurs pris en charge par les services de l’Aide sociale à l’Enfance à travers les associations partenaires. Le problème devrait donc être considéré comme réglé, mais il ne l’est pas.
C’est bien parce que le terme de mineurs isolés, qui a évolué vers mineurs non accompagnés, devrait encore orienter vers une autre voie, celle de « mineurs peu accompagnés », qui permet de mieux cerner la situation car ce sont ceux qui peuvent poser des problèmes. Pas forcément pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance s’ils n’ont pas fait l’objet de remontée d’information, ou par la PJJ s’ils n’ont pas eu affaire à la justice (et c’est ce qu’il faut éviter), ils n’en sont pas moins plus ou moins laissés à l’abandon. Pour beaucoup, leurs parents ont été reconduits aux Comores sans avoir signalé leur présence sur le territoire, espérant que leur progéniture puisse bénéficier d’une scolarité ou de soins, déficients sur les îles voisines. Ils sont confiés à un oncle ou à une cousine, qui sont souvent dépassés par un nouvel élément à gérer et pour peu qu’il soit turbulent, le laisse plus ou survivre avec ses propres moyens.
Répondre efficacement au défi
Un des remèdes est la scolarisation de tous ces enfants, c’est en cours, mais cela ne remplace pas l’affection paternelle ou maternelle. Il faut trouver des solutions et épauler en terme de moyens les Départements dont ils finissent par devenir la compétence.
C’est pour cela que l’initiative de l’Assemblée nationale est à saluer. Sa commission des Lois a souhaité se saisir de cette question en créant une mission d’information sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire national de mineurs non accompagnés. Cette mission, dont les co-rapporteurs sont MM. Jean-François Eliaou (LaREM, Hérault) et Antoine Savignat (Les Républicains, Val-d’Oise), doit évaluer l’ampleur des problèmes de délinquance liés à ces mineurs et l’efficacité de la réponse pénale et de la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance. Leur rapport sera capital.
Selon nos informations, la mission a terminé ses auditions. Si elle n’est pas passé par Mayotte, l’initiative sera bénéfique à tous lors des décisions à venir, rapporte Issa Issa Abdou, 4ème vice-président chargé de l’Action sociale et de la Santé : « J’imagine que la crise sanitaire et les restrictions de voyage n’a pas permis à la mission de se rendre sur notre territoire, mais une telle initiative est à saluer, car elle nous permet depuis Mayotte d’être plus audibles à Paris sur ce sujet. »
Anne Perzo-Lafond
Comments are closed.