Par bonheur, et vue le nombre de remontées uniquement locales que nous avons depuis qu’elle a été publiée, la vidéo « Géopolitique de Mayotte: un impensé français » ne semble vue que par les acteurs mahorais. Car « L’actualité du monde passée au crible par les experts de la géopolitique », tel que s’auto-définit Diploweb, a du soucis à se faire sur sa crédibilité à venir.
On ne peut pas dire que la présence à Mayotte de Jean-Baptiste Constant ait marqué les esprits comme ayant contribué à bâtir le territoire. Non communiquant, le directeur de cabinet du préfet faisait davantage preuve de rétention d’informations, que de démonstration d’empathie pour l’île. Ce n’est pas une exigence, puisque c’est un territoire difficile. Nous ne sommes pas non plus mu par le laïus « Mayotte tu l’aimes ou tu la quittes », mais par l’attente de propos objectifs de la part de représentants de l’Etat.
Pêle-mêle dans cette interview, « Mayotte, c’est l’Afrique, ce sont des villages, des clans, ils fonctionnent en clans », sur un ton dévalorisant, pour évoquer un sujet qu’il va pourtant retrouver dans les quartiers des grandes villes de métropole et qu’il faut reconquérir. Ceux qui sont restés sur place à Mayotte retroussent leurs manches, et il n’est pas dit qu’ils n’y arriveront pas, peut-être même plus vite qu’en métropole. On entend encore, « Mayotte c’est l’islam (…) avec 300 mosquées, 300 écoles coraniques, ils vont à l’école de la République mais le matin et le soir à l’école coranique », rajoutant, « il y a donc un double enseignement », pouvant signifier qu’on déconstruit d’un côté ce qu’on construit de l’autre. En lieu et place d’un axe qu’il aurait pu choisir, celui de la désertion des écoles coraniques justement et de la perte de valeurs qui va avec.
Nous ironiserons sur le fait que Jean-Baptiste Constant n’a « pas pu faire en 6 mois une ballade tout seul », ni « une plage tout seul », normal en effet, car il est rare de se retrouver seul à Mayotte… Plus sérieusement, qu’a-t-il fait pour tenter de juguler cette insécurité ? On aurait aimer retrouver des propositions dans son discours.
Quant au colonel Labouche, commandant du DLEM de 2017 à 2019, ses propos manquent eux-aussi d’objectivité. S’il décrit bien un territoire « aux antipodes de La Réunion », il reprend l’antienne d’une « départementalisation arrivée trop vite », « il n’y a pas eu de phase d’adaptation ». En réalité, il y a bien eu une phase d’adaptation, elle a d’ailleurs duré 170 ans, 170 ans de présence française depuis 1841 jusqu’au département en 2011, avec un investissement a minima. Il s’embrouille dans les données de l’INSEE, puisque la part d’étrangers en situation irrégulière est de 50% de 50% d’étrangers, et non pas 25% de 50%. Ce qui fait bien 25%, mais de la population totale. Enfin, sa position de militaire l’incite à révéler que sévissent dans la zone des influences « contraires aux intérêts français, je parle de la Chine ou de la Russie ». Donc, stratégiquement, c’est plutôt pas mal que la France y soit donc.
Si la colère gronde depuis quelques jours à Mayotte contre cette vidéo, ce n’est pas pour les vérités qui malgré tout y sont dites par endroit, c’est qu’elle est à charge. Or, c’est ce genre d’interventions, non constructives, qui pollue le message à Paris.
A.P-L.
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