25.9 C
Dzaoudzi
jeudi 5 décembre 2024
AccueilCultureEnseignement du shimaore et du kibushi : le top départ des premières expérimentations

Enseignement du shimaore et du kibushi : le top départ des premières expérimentations

C’est un premier et grand pas à la fois politique et technique qui a été fait ce mardi par quatre partenaires institutionnels déterminés à lancer l’enseignement à l’école des langues régionales désormais reconnu nationalement. La « fin de la 1ère guerre de la salive », et elle n’est pas finie…

Assise sur les mêmes bancs d’école qu’elle, Rachida avait de bien meilleures notes en espagnol que sa copine Carmen dont c’était pourtant la langue maternelle. L’apprentissage de l’orthographe et de la grammaire de la langue avait fait la différence. Il en va de même pour le shimaore et le kibushi.

« Pourquoi ‘narifundrihe shimaore*’ alors que le verbe est ufundriha ? », avions-nous questionné une amie mahoraise lors de nos premiers pas linguistiques dans l’île aux parfums. « Je ne sais pas, c’est comme ça… », répondait-elle. Nous apprendrons plus tard les fantaisies de l’impératif à cette conjugaison au pluriel.

Entre guerres de chapelles et de coquelets, le président du Département est parvenu à ses fins

Deux exemples qui donnent une idée de ce que l’apprentissage du shimaore et du kibushi peut apporter à toutes les générations. Une première grande étape vient d’être franchie, grâce à trois facteurs, reprenait le ‘shimaorephone’ et ‘shimaorephile’ recteur Gilles Halbout : « La formalisation de la graphie de la langue par le conseil départemental, les associations comme Shime et des chercheurs tout d’abord, le vote de la loi du 21 mai 2021, pas assez mise en évidence alors qu’elle reconnaissait le shimaore et le kibushi comme langues régionales, ensuite, et enfin, la clarification de la volonté de travailler avec les langues régionales sur place à Mayotte, de la part du conseil départemental, du Centre universitaire et du rectorat ».

Pour le président du conseil départemental, cette reconnaissance « institutionnelle et politique » des langues de Mayotte par la loi du 25 mai 2021 fut un « moment historique », qui permet d’aboutir à une convention signée ce mardi entre le Département, le Rectorat, le CUFR et Shime. Cette unanimité entre les acteurs, qui n’était pas de mise il y a 12 ans à Mayotte, est la reconnaissance de l’utilité d’enseigner les langues maternelles dans les écoles, « ce n’est pas en étouffant les langues régionales qu’on fait de bons francophones, mais au contraire en formant de bons bilingues », résumait le président du Département.

Gilles Halbout: “Nous expérimentons l’utilisation de la langue maternelle chez les petits pour en apprendre d’autres”

Dédramatiser le premier contact avec le français à l’école

Nous n’en sommes néanmoins qu’au début du défi à relever. Pour l’instant, seuls la graphie est actée en matière d’écriture, accouchée le 31 mars 2020, parfois dans la douleur, « nous avons assisté à beaucoup de combat de coquelets pour arriver à un consensus sur l’alphabet et la graphie standards. » Il faut encore travailler sur une orthographe et une grammaire figées dans le marbre, les coquelets pourraient se muer en coqs sauvages… Pour sécuriser l’acte II, la création d’un Institut des langues mahoraises a été adoptée lors de la dernière commission permanente. Composé des instances signataires de la présente convention et de deux intercommunalités, Sud et Petite Terre – qui en appellent d’autres – il devrait permettre de créer ensuite une Académie des langues.

En attendant que les deux gros morceaux, orthographe et grammaire, aboutissent, le rectorat propose quand même des pistes d’enseignements pour les plus petits, histoire d’initier l’expérience, comme le rapporte Gilles Halbout : « Les enfants de 3 ans qui ont toujours entendu parler une autre langue à la maison, découvre la langue de la République à l’école, il ne faut pas qu’ils perçoivent ça comme un monde hostile. Nous expérimentons donc, avec l’inspectrice Sitinat Bamana, l’utilisation de la langue maternelle pour en apprendre d’autres, notamment le français. Quoi de mieux pour dresser des ponts ? »

Pour que ces expérimentations fonctionnent, il faut à la fois des enseignants formés au shimaore, « tous ne le parlent pas », mais aussi à sa transmission vers la traduction en français, « enseigner, ça s’apprend ».

A la découverte de sa langue

Abal-Kassim Cheik Ahamed redessinait la géopolitique incarnée par le shimaore

Si la loi de mai dernier sur les langues régionales a fait des remous en métropole c’est qu’elle revenait sur l’enseignement immersif – toutes les matières enseignées dans la langue maternelle – dans les écoles publiques, contrariant les adeptes des écoles Diwan et autres bretons ou occitans, des territoires où la langue régionale est en perdition, contrairement à Mayotte où l’accent doit être mis sur la maitrise du français, en passant par une meilleure connaissance de sa langue maternelle.

Ce manque de connaissance n’épargne personne, y compris le directeur adjoint du CUFR, Abal-Kassim Cheik Ahamed : « Je voulais parler des différentes syntaxes de ma langue, mais j’avoue le manque de richesse personnelle dans ce domaine. Parler shimaore, c’est d’abord avoir en héritage le swahili, en héritage l’arabe, en héritage le malgache, en héritage le portugais et en héritage le français. Mais c’est regrettable que les enfants qui savent nommer le ciel, la mer et les parties du corps humain ne connaissent pas la signification des termes, ni leur origine. » Cette compréhension va enrichir tout le monde, poursuit-il : “il n’y a pas meilleure gymnastique de l’esprit que de comparer les structures de deux langues, cela augure de futures joies de découverte pour les enfants. Et par ce travail, nous ouvrons une voie à la pacification de la société mahoraise. »

Après 27 ans de lutte, c’est une victoire pour Rastami Spelo qui rappelait qu’il faut encore gagner la guerre

Il en est un qui nageait dans le bonheur pour s’être attelé à cette œuvre de reconnaissance de ces deux langues depuis 27 ans ! Rastami Spelo, président de l’association Shime, ne cachait pas sa joie : « En tant que français, j’avais peur que ce mal qui veut qu’on se réunisse, qu’on discourt et qu’on cède à la discorde, n’aie raison de nos langue. » Une crainte qui ne se tait pas ce mardi, « il y a encore beaucoup de pain sur la planche, mais je me battrai jusqu’à on dernier souffle », soulignant le travail à mener sur le vocabulaire et la grammaire. Un préalable pour enseigner la langue, mais le rectorat fait déjà ses premiers pas en lançant de nouvelles tentatives à la prochaine rentrée.

Pour l’accompagner, du matériel pédagogique et des manuels vont être collectés, notamment d’ouvrages d’écrivains locaux.

Pour donner le « la » d’une « fin de la guerre de la salive », le président Soibahadine offrait à ses partenaires signataires de la convention, la BD sur l’histoire de Mayotte en shimaore.

Anne Perzo-Lafond

*”Apprenons le shimaore”, titre du livret de cours de Shime

Anne Perzohttps://lejournaldemayotte.yt
Anne PERZO Le journal de Mayotte https://lejournaldemayotte.yt

Comments are closed.

RESTONS EN CONTACT

Inscrivez-vous à la lettre d'information du JDM afin de garder en oeil sur l'actualité mahoraise

L'actualité

AVIS DE CONSTITUTION AUTO SHOP 976

139522
  Par acte SSP du 14/09/2022, il a été constitué une SAS dénommée : AUTO SHOP 976 Siège social : 25 Rue Bahoni 97615 Pamandzi Capital :...
+26
°
C
+27°
+24°
Mamoudzou
Samedi, 04
Dimanche
+25° +24°
Lundi
+25° +24°
Mardi
+25° +24°
Mercredi
+25° +24°
Jeudi
+25° +24°
Vendredi
+25° +24°
Prévisions sur 7 jours
Campagne, politique, Mayotte

Tribune – De l’art du discours à la formule

139522
Qui pour relever les défis de nos grands orateurs du passé ? Peu de noms émergent de la tribune de Madi Abdou N'tro, voire aucun, sur les dernières campagnes, laissant sans doute "un sentiment d'imposture" chez les électeurs

Départementales Sada : remaniements en vue au conseil départemental

139522
L’issue du scrutin a parlé : c’est donc le binôme Soula Saïd Souffou/Mariam Saïd Kalame qui intègre les bancs de l’assemblée départementale. Ce qui implique des réélections au menu du conseil départemental les jours prochains. Avec l’éventualité d’une refonte complète des vice-présidences, comme nous l’expliquons

Départementales partielles : Soula S. Souffou et Mariame S. Kalame élus avec 52,26% des voix

139522
Ils étaient en tête au premier tour, et ont creusé l’écart à l’issue du second : le binôme surprise Souffou/Kalame qui n’était pas présent sous cette configuration en 2021, est le nouveau duo d’élus qui intègre le conseil départemental.
Comores, Azali Assoumani

Comores : un ténor de l’opposition appelle à une désescalade politique

139522
L’ancien gouverneur de la Grande-Comores, Mouigni Baraka Said, estime qu’il est temps de dialoguer avec le président Azali Assoumani dans l’intérêt du pays et de la population. L’homme politique se reconnait toujours dans l’opposition mais s’oppose toutefois à "ces querelles sans fin et sans véritable perspectives de sortie de crise". Une démarche mal digérée par les autres opposants qui refusent tout dialogue avec le président Azali Assoumani depuis son élection le 24 mars 2019.
Départementale, Sada, Mayotte

Départementales partielles à Sada : Saïd Souffou-Mariam Kalame en tête

139522
Le 1er tour de l'élection partielle des conseillers départementaux du canton de Sada se tenait ce dimanche 25 septembre. Le canton est toujours scruté de prés pour être l'un des épicentres politiques locaux. Les élections...