Comme un péché originel, la Délégation de Service public (DSP) était entachée dès sa sortie en 2013 de 14 irrégularités, selon la Chambre Régionale des Comptes. Elle avait été saisie par le préfet Jacques Witkowski. Un constat qui n’avait pas connu de suites, les choses n’ont alors fait qu’empirer. Le Conseil départemental, qui a délégué la gestion du port à Ida Nel, se plaignait par la main de son président en 2018 de 22 contentieux en cours. Certains portent sur des tarifs excessifs, annulés par trois fois par la justice, d’autres sur la certification de documents comptables, etc.
Ce que le préfet Jean-François Colombet avait résumé sur l’antenne de Mayotte la 1ère en septembre 2019, « sur le port, la loi n’est pas respectée ». Il avait d’ailleurs écrit à la délégataire que “la recherche exclusive du profit n’est clairement pas compatible avec les valeurs du service public”.
Après avoir dépêché sur place un haut-fonctionnaire, décision était prise par l’Etat de mettre un pied dans la gestion du port. Le 28 avril 2020, un arrêté est signé de la main du premier ministre d’alors, Edouard Philippe, pour renforcer sa présence dans le conseil portuaire.
Les décisions impactant les finances très encadrées
Tout d’abord, l’article 2 précise que le préfet de Mayotte et le directeur régional des finances publiques, sont membres de droit du conseil portuaire avec voix délibérative. Ensuite, une commission financière est créée au sein du conseil portuaire. Elle rendra un avis sur les objets économiques, financiers et techniques, « notamment l’examen des systèmes de contrôle interne de la concession, des comptes annuels et des comptes consolidés du concessionnaire, des projets d’investissements d’un montant supérieur à un seuil arrêté par l’autorité portuaire ». Il sera aussi question d’examiner et de suivre les conventions « ayant un impact significatif sur les comptes et l’équilibre financier de la concession ».
Ce qui ne fut pas du goût de la présidente de MCG qui attaquait cette décision du premier ministre en déposant un recours devant le Conseil d’Etat. Sur un double motif : que toutes les instances comme le conseil d’Etat et la commission supérieure de codification, n’ont pas été consultées avant de prendre cette décision, et que cette immiscions du préfet et du DRFIP dans ses affaires est contraire à la libre administration des collectivités territoriales. Et lui emboitaient le pas, ses deux fidèles chevaliers, Daniel Zaïdani, ancien président du Conseil départemental qui a octroyé la DSP à Ida Nel, et Jacques Martial Henry, son chargé de mission. Tous deux sont actuellement candidats aux départementales.
Dans sa décision du 11 juin 2021, le conseil d’Etat reprend les termes du code des transports qui s’applique à tous les port maritime, et déclare qu’ils ne « ne font pas obstacle à ce que le pouvoir règlementaire (…) puisse voir la participation d’autres personnes y compris des représentants de l’Etat », ce qui « ne porte pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ». même avis sur leur participation à la commission financière au sein du conseil portuaire.
En conséquence de quoi, le conseil d’Etat juge que les requêtes de la société Mayotte Channel Gateway et des sieurs Zaïdani et Henry sont rejetées.
Un nouveau revers pour la gestionnaire du port dont les tarifs viennent d’être annulés une 3ème fois par le conseil d’Etat, et qui doit indemniser 24 de ses salariés en vertu de l’application de la Convention collectives nationale des Ports et manutention.
Consulter la Décision Conseil d’Etat MCG
Anne Perzo-Lafond
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