Epidémie, virus, foyers… depuis bientôt deux ans, ce vocabulaire est devenu notre quotidien, mais c’est aussi celui des végétaux qui luttent pour leur survie. On repense à la maladie qui avait emporté une bonne partie des papayers de l’île il y a quelques années. Leur vaccin, ce sont les produits phytosanitaires pour les aider à vaincre les parasites. Importés parfois clandestinement quand il ne sont pas sur la liste réglementaire, ou avec des risques de surdosages fréquemment constatés, et dénoncés par la DAAF.
Raisonner le monde agricole et l’aider à vaincre les maladies avec des outils naturels, c’est la tâche que s’est donné depuis quelques années le plan ministériel Ecophyto qui fixe l’objectif de réduction de l’utilisation des produis phytosanitaires. Pour aller plus loin, l’organisme créé le Réseau d’Epidémiosurveillance Mahorais (REM).
Arrivé depuis quelques mois à Mayotte, Pierre Baby, Chargé de mission surveillance biologique du territoire au lycée agricole de Coconi, est chargé de le mettre en place à Mayotte : « Il faut amener les acteurs du monde agricole à traiter quand c’est vraiment utile. Pour cela, il fallait une plateforme d’échanges d’informations et de recommandations sur les maladies en cours, sur les insectes ravageurs et sur ceux qu’on appelle les auxiliaires des cultures. » Ces auxiliaires sont des insectes pour la plupart, qui ont besoin pour vivre de se nourrir des ravageurs des végétaux. « Le meilleur exemple, c’est la coccinelle qui mange les pucerons ».
Entourés d’auxiliaires sans le savoir
Mais il y en a de nombreux autres et il faut que ça se sache : « La chrysope, un insecte vert qui détruit elle aussi les pucerons », en utilisant ses mandibules pour attraper sa proie, injecter sa salive pour en aspirer le contenu liquide, « les parasitoïdes qui pondent leurs œufs dans les larves d’autres insectes, et qui le tue ». Une diversité dans l’approche de la protection des végétaux qui a fait l’objet d’une formation d’une quinzaine d’agriculteurs ce mercredi 9 juin, ainsi que 2 agents de la Direction de l’Agriculture et un du Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole.
Ils ont appris que s’il est possible d’importer ces précieux auxiliaires, on peut aussi utiliser l’existant à Mayotte : « Il suffit des les attirer par des plantes nectarifères ou pollinifères, il faut juste préserver leur existence en maintenant des zones arborées. »
Mais chassez le naturel, il ne revient pas toujours au galop, et si les agriculteurs sont d’accord en théorie pour utiliser ces méthodes, lorsque leurs cultures sont attaquées, c’est dans l’urgence qu’il faut agir, avec la tentation d’utiliser des méthodes chimiques agressives. « Cela prend du temps de s’y mettre au départ, car il faut repérer les insectes utiles, mais ensuite, on les retrouve sans rien avoir à faire. Nous avons amené les stagiaires à constater leur présence en nombre sur le terrain du lycée de Coconi, sans qu’ils soient expressément préservés. »
Nos bananiers attaqués
Bien gérer les traitements, passe pour les agriculteurs par une bonne connaissance des maladies rencontrées dans leurs champs. C’est l’objectif des planches photo assemblées sur un bulletin mensuel de Santé du végétal, renforcé par Pierre Baby qui a souhaité élargir le champ des précédentes publications qui zoomait chaque mois sur une culture différentes. Cette fois, elles exposent toutes leurs feuilles gangrénées et leurs fruits malades : « Les agriculteurs vont y retrouver les fruits et légumes cultivés, avec le signalement de présence plus ou moins marquée d’insectes ravageurs en fonction des mois. Comme cela, ils pourront voir à quel moment le traitement est vraiment utile, plutôt que de le faire toute l’année. »
Les informations sont envoyées par mail, mais tous ne sont pas connectés, « nous passons aussi par les coopératives. »
Pour y synthétiser ces données, 15 types de cultures ont été observés sur plus de 80 parcelles. 80 organismes ont été suivis, qu’ils soient bioagresseurs ou auxiliaires, avec l’appui d’un réseau de 60 pièges disposés sur le territoire.
Une maladie a beaucoup inquiétée en local pour s’attaquer à une production phare, celle de la banane. Détecté pour la première fois à Mayotte fin 2019, le champignon Foc TR4, représente une menace importante pour les cultures de bananiers. « Les feuilles jaunissent, les fibres de l’arbre semblent exploser. Appelée aussi la maladie de Panama, c’est une maladie de quarantaine, c’est à dire que, quand elle est détectée, il faut respecter le protocole en avertissant la DAAF* qui va éliminer le bananier en prenant de nombreuses précautions », nous explique le spécialiste.
En décembre 2020, onze nouveaux cas suspects avaient laissé planer la crainte de foyers, des sortes de « clusters » pour poursuivre la comparaison avec le Covid. Mais depuis, peu de nouvelles alertes : « Nous pensons que la diversité des cultures typique de Mayotte, empêche la maladie de s’étendre. »
C’est précisément pour que l’information circule au plus vite, notamment sur ce type d’exemple, que la mise en place du REM s’avère indispensable.
Consulter le Bulletin Ecophyto de mai 2021
Anne Perzo-Lafond
* DAAF : 0269 64 50 42
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