26.9 C
Dzaoudzi
mardi 19 mars 2024
AccueilEducation"Dysfonctionnements à l'ASE", un enfant laissé deux ans sans identité

“Dysfonctionnements à l’ASE”, un enfant laissé deux ans sans identité

Un rapport public du défenseur des droits a été publié au journal officiel de la République. Faute de réponse du Département de Mayotte, CLaire Hédon a signé ce rapport qui pointe de graves atteintes aux droits de l'enfant à l'Aide sociale à l'enfance de Mayotte. Un bébé en particulier y a été privé d'identité pendant près de deux ans, et le défenseur des droits est sans nouvelle de lui.

Quel projet de vie pour le petit S.O., découvert abandonné dans un caniveau en 2017 à Kangani ? Le cas de ce bébé, lourdement handicapé par une hydrocéphalie, est symptomatique des “dysfonctionnements” de l’aide sociale à l’enfance de Mayotte selon le bureau du Défenseur des droits qui publie un rapport accablant.

Tout commence en mai 2017, quand le petit est donc découvert, dénutri et gravement malade, dans un caniveau. L’homme qui le recueille le dépose alors au CHM qui le prend en charge pendant plusieurs jours. Le bébé, âgé d’environ un an à 18 mois, fait l’objet d’une évacuation sanitaire à La Réunion avant de revenir au CHM, et l’hôpital procède à une “information préoccupante”, un signalement sur la situation de l’enfant.

En l’absence de famille connue, le bébé, très fragile, est confié à l’Aide sociale à l’enfance. A ce stade, aucune déclaration n’est faite à l’Etat civil, permettant d’offrir à ce petit un nom et une date de naissance. En somme, une identité. En août 2017, le juge des enfants, alerté, confie officiellement l’enfant à l’ASE, pour une durée d’un an.

“Après on ne sait pas trop ce qui arrive à cet enfant” résume un collaborateur du défenseur des droits, si ce n’est qu’il “arrive chez une assistante familiale et bénéficie de soins”.

Une année s’écoule. L’association Enfance et Famille d’Adoption (EFA976) est sollicitée par le Département en août 2018 et elle réalise que l’enfant n’a toujours pas d’existence administrative. L’association indique au Département ses obligations en matière de déclaration de naissance. Le droit à une identité fait partie des droits fondamentaux de l’enfant. Mais en l’absence de réponse du Département, l’association saisit le Défenseur des droits. On est alors en février 2019. A cette date, le délai fixé par le juge des enfants a expiré depuis 6 mois et l’enfant vit “sans cadre légal”. Le Défenseur des droits se mobilise alors pleinement sur ce dossier alarmant.

Un dossier de 6 pages pour deux ans de prise en charge

“On va alors vite solliciter les différents acteurs, l’autorité judiciaire, le procureur et le juge des enfants et on va demander des explications au Département, suite à ça, on sait que le 6 mars 2019, va être pris par le tribunal un jugement déclaratif de naissance, qui donne un acte provisoire de naissance et une première identité à l’enfant. Le 8 mars est établi un acte de naissance, et le 17 mai, il est admis au statut de pupille de l’Etat et peut être adoptable” relate le bureau du défenseur des droits. L’enfant a alors plus de trois ans, et vient seulement d’avoir un nom et une date de naissance officielle, fixée au 25 mars 2016.

Tout n’est pas résolu pour autant, pointe ce collaborateur du défenseur des droits.

“Ce qu’on a constaté, c’est qu’entre mai 2017 et mars 2019, l’enfant est resté sans identité, c’est la première difficulté. La deuxième, c’est qu’on va constater que le dossier de l’enfant est presque vide à l’ASE et on peut se demander ce qui a été mis en œuvre dans le suivi de cet enfant, que ce soit éducatif, médical, car il a besoin de soins, et on voit une grosse défaillance dans sa prise en charge”.

En effet, le dossier transmis finalement au Défenseur des Droits par le Conseil départemental n’est pas bien épais. “Six pages” nous indique-t-on, qualifiant le dossier de “lacunaire”. Dedans, pas de dossier médical, alors que l’enfant a vraisemblablement dû être pris en charge régulièrement, ni de projet pédagogique. Aucune information sur sa vie avec l’assistante familiale à laquelle il a été confié parmi une dizaine d’autres enfants. En résumé, “la prise en charge semble très vide” déplore ce collaborateur de Claire Hédon, la signataire du rapport.

Pis, ce n’est qu’après que la défenseur des droits a saisi la justice de Mayotte que le Département fait des démarches pour que l’assistante familiale puisse bénéficier d’une aide à domicile et de matériel adapté, que l’enfant voie son handicap reconnu par la MDPH et se voie ouvrir des droits à l’assurance maladie. Difficile d’imaginer comment dans ces conditions l’enfant a pu être pris en charge correctement, dans une famille de 10 enfants dont 4 placés, sans matériel adapté à son handicap ni professionnel formé à ses côtés.

Malgré “de multiples relances”, le bureau du Défenseur des droits n’a plus eu depuis de nouvelles du Conseil départemental sur cet enfant. “Ce qui est marquant dans ce dossier, au delà des défaillances du conseil départemental qui n’a pas répondu aux besoins de l’enfant, c’est le fait que le CD ne nous réponde plus, il ne nous a pas répondu depuis notre décision de novembre 2019, alors que nos recommandations attendaient une réponse dans un délai de 3 mois. On ne sait pas ce qui a été fait.” De son côté nous indique-t-on, “l’association enfance et famille craignait que d’autres enfants puissent être dans la même situation, mais on n’a jamais pu obtenir d’éléments supplémentaires”.

C’est à cause de ce silence radio assourdissant que le Défenseur des droits a fini par décider de la publication d’un rapport au Journal Officiel, une mesure rare.

Les véhicules de l’ASE fournis en août 2018

“C’est un cas d’école qui justifie qu’on rende ce rapport public et nominatif, alors qu’habituellement les décisions sont anonymisées. Notre but est de faire avancer les choses. Mais on est là face à un Conseil départemental qui ne semble pas vouloir prendre en compte ce qu’on a souligné et ne répond pas au défenseur des droits.”

En rendant son rapport public, le Défenseur des droits espère que le Département de Mayotte prendra le temps de répondre à ses sollicitations.

D’autres enquêtes en cours concernant l’Aide sociale à l’enfance de Mayotte amèneront peut-être la nouvelle majorité à plus de transparence et de rigueur dans la prise en charge des mineurs dont elle a la charge ?

Y.D.

Comments are closed.

RESTONS EN CONTACT

Inscrivez-vous à la lettre d'information du JDM afin de garder en oeil sur l'actualité mahoraise

L'actualité

AVIS DE CONSTITUTION AUTO SHOP 976

139522
  Par acte SSP du 14/09/2022, il a été constitué une SAS dénommée : AUTO SHOP 976 Siège social : 25 Rue Bahoni 97615 Pamandzi Capital :...
+26
°
C
+27°
+24°
Mamoudzou
Samedi, 04
Dimanche
+25° +24°
Lundi
+25° +24°
Mardi
+25° +24°
Mercredi
+25° +24°
Jeudi
+25° +24°
Vendredi
+25° +24°
Prévisions sur 7 jours
Campagne, politique, Mayotte

Tribune – De l’art du discours à la formule

139522
Qui pour relever les défis de nos grands orateurs du passé ? Peu de noms émergent de la tribune de Madi Abdou N'tro, voire aucun, sur les dernières campagnes, laissant sans doute "un sentiment d'imposture" chez les électeurs

Départementales Sada : remaniements en vue au conseil départemental

139522
L’issue du scrutin a parlé : c’est donc le binôme Soula Saïd Souffou/Mariam Saïd Kalame qui intègre les bancs de l’assemblée départementale. Ce qui implique des réélections au menu du conseil départemental les jours prochains. Avec l’éventualité d’une refonte complète des vice-présidences, comme nous l’expliquons

Départementales partielles : Soula S. Souffou et Mariame S. Kalame élus avec 52,26% des voix

139522
Ils étaient en tête au premier tour, et ont creusé l’écart à l’issue du second : le binôme surprise Souffou/Kalame qui n’était pas présent sous cette configuration en 2021, est le nouveau duo d’élus qui intègre le conseil départemental.
Comores, Azali Assoumani

Comores : un ténor de l’opposition appelle à une désescalade politique

139522
L’ancien gouverneur de la Grande-Comores, Mouigni Baraka Said, estime qu’il est temps de dialoguer avec le président Azali Assoumani dans l’intérêt du pays et de la population. L’homme politique se reconnait toujours dans l’opposition mais s’oppose toutefois à "ces querelles sans fin et sans véritable perspectives de sortie de crise". Une démarche mal digérée par les autres opposants qui refusent tout dialogue avec le président Azali Assoumani depuis son élection le 24 mars 2019.
Départementale, Sada, Mayotte

Départementales partielles à Sada : Saïd Souffou-Mariam Kalame en tête

139522
Le 1er tour de l'élection partielle des conseillers départementaux du canton de Sada se tenait ce dimanche 25 septembre. Le canton est toujours scruté de prés pour être l'un des épicentres politiques locaux. Les élections...