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jeudi 21 novembre 2024
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Malgré son attractivité, La Réunion recrute à son tour des professeurs contractuels

Il n'y a pas qu'à Mayotte que l'Education nationale recrute des contractuels dès le premier degré. Nos voisins réunionnais ont à leur tour lancé une campagne de recrutement, causant une levée de boucliers sur un territoire où des titulaires sont sur liste d'attente.

Phénomène marginal il y a une quinzaine d’années au niveau national, le recrutement de professeurs contractuels se développe. Ici à Mayotte, ce recours à des professeurs en CDD s’explique par une combinaison de facteurs, qui vont du manque d’attractivité du territoire pour les titulaires venant de l’extérieur à un développement tardif des formations en local.

A Mayotte il aura ainsi fallu attendre 2016 pour voir apparaître une licence pluridisciplinaire au CUFR, qui ouvrait la porte des concours nationaux aux étudiants mahorais, avec pour objectif de contrer le taux d’échec dans le supérieur lié à l’éloignement. La création de concours locaux avec un engagement à Mayotte doit permettre de réduire à terme la part de contractuels à Mayotte, qui s’élève à 20% dans le premier degré et à 50% dans le second degré.

A La Réunion, la situation est incomparable :  le taux d’indexation, fixé à 53% (contre 40% à Mayotte) est plus qu’attractif, et les problématiques sont différentes. Même si le territoire manque lui aussi de professeurs, des candidats au concours Professeurs des Ecoles sont sur liste d’attente. C’est donc avec une certaine incompréhension que les syndicats ont pris connaissance d’une offre de recrutement de professeurs des écoles contractuels par l’académie de la Réunion ouverte jusqu’à ce week-end.

Une initiative nouvelle pour l’académie qui est confrontée à des difficultés “imprévisibles”. Pour la rentrée 2021, “il nous manque entre 50 et 80 professeurs des écoles” explique Jean-François Salles, inspecteur d’académie adjoint au rectorat de La Réunion. En cause, un “faisceau” de situations. La possibilité récente pour les fonctionnaires de recourir à la rupture conventionnelle a conduit à 26 postes perdus. Par ailleurs, sur la soixantaine d’enseignants de métropole qui ont demandé une mutation à La Réunion, une trentaine ont essuyé un refus de leur académie d’origine. Or, explique l’inspecteur, “il faut que le département d’origine vous laisse sortir et que le département d’accueil vous laisse rentrer, nous, on laisse entrer tous les collègues mais la moitié des départements de départ n’ont pas laissé sortir, car il manque aussi de Professeurs des Ecoles en métropole”. A cela s’ajoute un nombre de départs en retraite plus important que les années précédentes.

Résultat, le rectorat s’est rendu compte que près de 70 professeurs remplaçants ont été affectés à des postes vacants à l’année, alors que “ce n’est pas leur mission”. “C’est assez important pour qu’on recrute” a jugé le rectorat.

Les syndicats réclament plus de fonctionnaires titulaires

Sur sa page Facebook, le rectorat, soupçonné de vouloir économiser sur les salaires, balaye  donc ces accusations et assure qu’un contractuel est payé comme un titulaire. “Les agents contractuels partagent les obligations et les droits des agents titulaires. Les différences entre eux portent sur les modalités qui régissent le recrutement et la gestion de carrière ( CDD/CDI au lieu d’un concours). Cela signifie que le coût à l’embauche est quasiment identique. Dans la fiche de poste mise en ligne la rémunération est fixée à l’indice 408 soit l’équivalent de l’indice 390 avec la majoration”.

Les modalités de recrutement, c’est bien ce qui fait le plus grincer des dents chez nos voisins. “Et les profs sur liste complémentaire ?! Qui eux ont eu la formation et ont passé le concours ?!” s’interroge Caroline, professeur titulaire. “Et si on pensait aussi à tous ces profs qui attendent leur mutation ?” renchérit sa collègue, Fabienne.

“Pourquoi ne pas recruter ENTIÈREMENT la liste complémentaire?” propose un autre internaute, “Ils sont disponibles, ont pratiquement réussi le concours (ce n’était qu’une question de places disponibles) et connaissent déjà un peu le métier” argumente-t-il. Une demande soutenue par le syndicat FO-SNUDI 974 qui “revendique le recrutement immédiat de toutes les listes complémentaires”.
Le symptôme d’un métier en souffrance

Chantal Manès-Bonnisseau, la rectrice de La Réunion (DR)

Une option “pas si simple” leur répond Jean-François Salles. “On accuse souvent à tort le rectorat de ne pas prendre les collègues en liste complémentaire, mais il faut savoir que la liste complémentaire a pour but de palier les éventuelles défections, si on les prend pour les affecter sur un poste, c’est le ministère qui décide, chaque recrutement en liste complémentaire, c’est un poste de fonctionnaire qui est créé, donc c’est plafonné par Bercy, l’Académie n’a aucun poids dans la balance”. Le rectorat a bien fait remonter ses besoins, et s’est vu octroyer 14 postes. Mais un recrutement en liste complémentaire, c’est un stagiaire à mi-temps pendant un an, soit 7 équivalents temps plein à peine. “C’est une respiration pour nous mais ce n’est pas suffisant. C’est pour ça que la rectrice a autorisé le recrutement de contractuels” poursuit-il. Les contractuels doivent permettre de palier le manque de postes, de libérer des remplaçants, sans engager l’Etat sur du long terme. Reste à voir si cette situation exceptionnelle aura toujours cours l’année prochaine, et si le premier degré fera du recrutement de contractuels la “pratique courante” qu’il est devenu dans le second degré.

Toujours est-il que cette première campagne de recrutement a eu un franc succès. Pas moins de 500 candidatures ont été reçues par le rectorat, dont 200 sur la seule journée de dimanche. Le recrutement a commencé ce lundi avec quelque 100 entretiens par jour. Dès la semaine prochaine, les candidats retenus entameront deux semaines de formation avant de rejoindre leurs classes respectives.
Une organisation menée tambour battant pour une situation jugée “conjoncturelle”, mais qui témoigne aussi d’un manque d’attractivité pour le métier de professeur des écoles au niveau national. Défections, ruptures conventionnelles et autres difficultés de mutation invitent à une réflexion sur ce métier, un des plus beaux du monde sans aucun doute, mais “de moins en moins gratifiant” conclut un enseignant.
Y.D.

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