Au cours de ces 24h dédiées par le ministère de l’Intérieur aux territoires ultramarins, l’occasion a été donnée de faire le point sur la crise sismo-volcanique de l’île au lagon. Et si d’aucuns pourraient s’étonner du choix du sujet face à la prépondérance des enjeux de l’eau, de la pauvreté ou encore de la délinquance, c’est bien celui-ci qui a été choisi.
« On a tous en tête ce qu’il s’est passé aux îles Tonga ces derniers jours » évoque le préfet au début des échanges, évoquant l’éruption immense de la semaine dernière, dont l’onde de choc s’est fait ressentir jusqu’au 101ème département. Et celui-ci de reprendre : « On n’a pas attendu Tonga et son phénomène pour être prêt, et développer une campagne de surveillance et de sensibilisation ».
Thierry Suquet reprend ainsi l’historique de la crise sismique à Mayotte : les inquiétudes en 2018, la création du réseau de surveillance, les différentes campagnes de sensibilisation et de vulgarisation scientifique à l’intention de la population… Les travaux menés avec l’université de Montpelier étaient également évoqués, notamment la vaste campagne de repérage des points hauts répartis sur toute l’île pour abriter en cas de danger. Mais aussi l’installation des sirènes et les exercices menés chaque premier mercredi de chaque mois, la création d’un site internet dédié à la crise, les actions du rectorat, les campagnes relayées par les médias et acteurs de la société civile… Tout un historique qui n’est pas sans rappeler que Mayotte a fait bien du chemin depuis la première secousse ressentie, en 2018. Mais il est une phrase du préfet qui n’est pas sans faire réagir : « Ce qui s’est passé aux Tonga nous interpelle. On se demande s’il peut se passer le même phénomène à Mayotte, et si on peut en tirer des leçons ». Le jeune volcan de Mayotte appelle à faire le parallèle : de tels événements seraient-ils envisageables sur l’île au lagon ?
« On est dans un contexte complètement différent » déclare Charlotte Mucig, directrice du BRGM. « C’est vraiment un préalable qu’il faut garder. Là-bas, c’est une zone de subduction, deux plaques qui se rapprochent. L’une coule sous l’autre à une vitesse comprise entre 15 et 20 cm par an, ce qui génère un magma riche en gaz qui a tendance à être explosif ». Et ce avec une chaîne de volcan, que d’aucuns nomment « la chaîne de feu du Pacifique », créant un contexte avec une forte activité sismique et volcanique. Tandis qu’à Mayotte, comme l’indique l’experte, la situation relève d’un jeu de faille qui s’active avec le déplacement de la plaque sur laquelle on se trouve, qui se déplace vers l’Est à une vitesse de quelques millimètres par an. « C’est un contexte complètement différent » reprend Mme Mucig. D’ailleurs, les dernières éruptions en date sont effusives.
Néanmoins, si l’on s’intéresse au caractère explosif, « On a eu par le passé ce genre de phénomènes à Mayotte », comme en attestent les cratères de Petite-Terre, Moya, Petit Moya, Dziani, et les traces de cratères sur Grande-Terre, à Cavani ou Kawéni. Des traces qui sont « d’éruptions phréatomagmatiques : lorsque le magma entre contact avec l’eau et crée ce genre de morphologies, on a des éruptions explosives également » explique la directrice du BRGM.
De plus, l’on retrouve une autre zone appelée fer à cheval, à 10 à 15 km de Petite-Terre, en forme de Caldera, où l’on observe un dégazement important. « Il y a là aussi des témoins d’une activité passée, dont une activité probablement explosive ». Mais une fois encore, les situations sont très différentes : la zone fer à cheval est à 1500 m de profondeur, là ou celle du Tonga est à 300m sous l’eau, soit subaffleurante. « Et il faut garder en tête que l’éruption du Tonga est assez majeure, même pour cette situation donnée par rapport aux éruptions déjà produites. Même par le passé à Mayotte, il est probable qu’il n’y ait jamais eu ce genre d’intensité ». Toutefois, c’est « riche d’enseignement de voir ce qu’il se passe ailleurs » reprend Charlotte Mucig. Car en effet, le tsunami du Tonga ne correspond pas aux éventualités modélisées à Mayotte. « Ce sont des pistes de réflexions que ces exemples qui se passent ailleurs peuvent nous apporter ».
Rien de bien alarmant à retenir donc, sinon des enseignements. De plus, aucun réseau de surveillance n’existe dans la zone de Tonga, avec une première station sismique à 700 kilomètres, et une station GPS à 50 km. Et ce là où à Mayotte, L’on possède 8 stations sismiques, 9 stations GPS, une station de mesure de gaz, ainsi que de nombreux équipements, sans compter les différentes missions océaniques de surveillance.
« Et l’intérêt de cette surveillance, c’est de déceler tout signe précurseur qui viendrait indiquer le début d’un activité » conclut la directrice du BRGM.
Mathieu Janvier
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