Avant de dresser son constat, Catherine Deroche, sénatrice du Maine et Loire qui préside la mission de 4 sénateurs sur le territoire, rappelait que l’objectif n’était pas de publier un rapport de plus, « globalement, le gouvernement prend en compte nos rapports ». C’est en effet le rapport de la Commission des lois du Sénat qui avait conclu sur une situation sécuritaire « extrêmement préoccupante » sur le territoire, et sur une sous-estimation des faits de délinquance, et une précédente mission sur le foncier avait permis de créer la Commission d’urgence foncière, spécifique à Mayotte.
Des sénateurs qui expliquent avoir été invités à se rendre sur place par leur pair Thani Mohamed Soilihi, présent, qui le justifiait par une image : « Un médecin a beau savoir que la personne devant lui est malade, s’il n’a pas de stéthoscope, il ne pourra pas émettre un bon diagnostic ».
Avant de débarquer à Mayotte, les 4 parlementaires sont passés par La Réunion, pour évaluer le contexte des évacuations sanitaires. A Mayotte, leurs 4 journées ont été remplies de rencontres avec les acteurs de santé, ARS, chefs de Pôle du CHM, conseil départemental, préfecture, CSSM, Centres de référence, PMI, AFD, centre privé de dialyse, organisations de représentants de personnels du CHM… Ils ont même participé à une campagne de dépistage de la gale dans les cases en tôles, « on nous a bien dit de ne pas parler de ‘banga’ », glisse Catherine Deroche.
Des rapports salés non publiés sur le taux de sucre
La prise en charge des patients, c’est un serpent qui se mord la queue, assènent en quelque sorte les sénateurs : « On constate une surcharge majeure des professionnels de santé qui sont en permanence sur le pont, avec une difficulté de fidéliser le personnel, qui partent notamment à cause de cette surcharge. Le phénomène d’insécurité est aussi un facteur de turnover, comme la scolarisation de leurs enfants ».
La problématique de l’exiguïté des locaux doit être réglée par « le projet en cours d’extension du CHM », et la construction du 2ème hôpital sur Combani, « il faut travailler sur le logement et les transports. »
Quant à la surcharge de travail, on sait qu’elle pourrait être allégée en développant la prévention, avec des campagnes sur la régulation des naissances, sur le diabète, etc., ce que permettrait la santé communautaire. Réagissant à cette remarque, Catherine Deroche convenait qu’un « gros travail de prévention reste à faire, il faut généraliser les Contrats Locaux de Santé*, et travailler sur la prévention en terme de santé sexuelle, pour diminuer le nombre de grossesses précoces. » Autre souci relevé par Laurence Cohen, sénatrice PC du Val-de-Marne, « la permanence de taux de sucre supérieure à la moyenne nationale dans les yaourts et les boissons en Outre-mer, facteur de diabète ». Rappelons que la loi Lurel l’interdit depuis 2013, que personne ne le fait apparemment respecter, le président de la collectivité Martinique Serge Letchimy a d’ailleurs demandé toute la lumière sur un rapport de la Direction de la concurrence et de la répression des fraudes fraudes (DGCCRF) à ce sujet en septembre dernier dans le Huffingtonpost.
Laurence Cohen a aussi pu juger de « la difficulté de prodiguer des soins de qualité à Mayotte en raison du déficit de ressources humaines. Le service public ici doit continuer à se construire, et même, à se construire tout court ».
« L’épuisement du personnel de santé menace »
« Le désert médical existe aussi en métropole, mais elle prend une autre dimension ici**, l’épuisement du personnel de santé menace, ils attendent beaucoup de nous, ils ont besoin d’un relai », soulignait Jean-Luc Fichet, sénateur socialiste du Finistère. Une intervention qui nourrit le sentiment persistant sur place que les problématiques, soit ne sont pas remontées, soit non prises en compte par Paris.
L’œil ultramarin, c’est Dominique Théophile, le sénateur RDPI (LReM) de Guadeloupe, qui le porte, « un regard comparatif avec les Antilles me porte à constater que c’est une double peine qui est infligée à Mayotte, à la fois à la périphérie (en raison du contexte régional, ndlr), mais aussi en construction institutionnelle ». Traduisant un déficit d’outils pour juguler la situation.
La « situation » justement, était commentée par Catherine Deroche après une question des médias sur les financements conséquents de l’Etat étouffés par l’immigration clandestine qui représente, régularisée ou pas, 50% de la population : « Il y a en effet un poids énorme de personnes non affiliées, qui finissent pas être accusées de ‘prendre la place’ d’autres lors des rendez-vous médicaux, certains finissent d’ailleurs par ne pas pouvoir être soignés car arrivés avec des pathologies trop lourdes, prises en charge trop tardivement. » L’ordonnance est connue, « la France et les Comores doivent se mettre d’accord pour que les soins soient dispensés là-bas, car ils viennent pour ça, mais restent en vivant dans des conditions déplorables ».
Le rapport devrait être bouclé d’ici quelques semaines, « certainement pas avant les élections, mais on a l’habitude de cette continuité parlementaire ». La pluralité des tendances politiques des sénateurs qui la compose devrait en tout cas en assurer la survie.
Une fois publié, le rapport sera évalué un an après, « nous le faisons toujours, sinon, cela ne sert à rien de publier un rapport », concluait Catherine Deroche.
Anne Perzo-Lafond
*Un CLS vient d’être signé avec la commune de Bandrélé
** On compte au 1er janvier 2019, selon l’ARS, 80 médecins pour 100.000 habitants à Mayotte contre 339 dans la France entière
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