Début des hostilités, un samedi après midi dans le quartier de Cavani. Un petit groupe d’élèves du Lycée Les Lumières (Mamoudzou Nord), arrive, accompagné de Gilles Collin, leur enseignant en spécialité cinéma. Scénario imprimé, découpage technique déjà bien écrit, des sacs chargés, la fine équipe s’installe et prend ses repères. Zoulaiha Assani, autrice/réalisatrice, force tranquille et esprit créatif, repère les lieux et les axes qu’elle convoite pour filmer. Tout en complétant la décoration et les accessoires manquants, elle ne laisse rien au hasard. Un bureau déplacé devant une fenêtre, un reflet dans le miroir, une lampe de chevet jaunâtre qui éclaire un mur. Pendant que Maiyna Salim se concentre avant de jouer, Kamel Madi (cadreur) prépare sa caméra, et Hammah Bent Ahamada (ingénieur du son) fait des tests sonores aux côtés de son enseignant. Ce dernier sera aujourd’hui aussi à la perche. Le soleil est encore au zénith, et pourtant le récit se déroule de nuit. Mais savoir s’adapter aux différentes situations fait partie des principales contraintes de cinéma.
De la réalité à la fiction
Le court métrage raconte tout simplement l’histoire d’une jeune lycéenne qui, un soir, va accidentellement casser l’ordinateur que lui a prêté son professeur. Sa plus grande difficulté sera de devoir faire face à l’incident et dire la vérité. Comme son titre l’indique, Un petit mensonge, cache un dénouement sous couvert d’une certaine fragilité et sensibilité. Il s’agit évidemment d’une expérience vécue par son autrice, qui a choisi ce sujet pour faire son film d’examen du bac. Projet sur lequel elle sera notée devant un jury à la fin du mois de mai. Zoulaiha et son équipe ont donc juste le temps qu’il faut pour adapter cette histoire en film, jusqu’à la date butoir.
Le vrai challenge se présente à eux. Le début du film est censé se passer de nuit, il faut donc se débarrasser de la lumière naturelle, ou l’utiliser pour réinventer une ambiance. Comme sur beaucoup de tournages en tout genre, un travail de trucage se met rapidement place. Un peu d’ombre, un volet entrouvert, des rideaux sur un angle, quelques pastiches pour faire office de caches, et surtout des réglages de caméra. Le tour est joué ! On appelle plus communément cette option cinématographique : la nuit américaine.
Après une scène dans une chambre, sous plusieurs angles en lumière artificielle, le plus difficile reste à venir : une séquence d’extérieure assez technique. Sur une longue terrasse en angle droit, pendant que les techniciens font leurs réglages, Zoulaiha dirige sa comédienne dans les escaliers assombris. Ensemble, elles s’enferment dans une bulle artistique, faisant abstraction de ce qui se passe autour d’elles. Elles parlent peu, mais se comprennent vite.
La réalisatrice retrouve son plateau et l’actrice se plonge dans l’univers de son personnage. Commence alors une scène mélangeant le jeu et la cascade : énervé par des dérangements incessants, le personnage décide de quitter la maison. Mais le drame arrive quand elle glisse dans l’escalier et fait tomber l’ordinateur qu’elle tient en main.
Après des répétitions de mouvements pour voir le plan et entendre ce qui doit se jouer au son, vient le temps de la première prise. Silence, tout le monde est en place, ça tourne à l’image, ça tourne au son, « Action ! » crie la réalisatrice. Mayna joue sa scène à fond, et manque de vraiment se casser la figure, elle se rattrape, mais l’ordinateur (qui est un accessoire de jeu évidemment), se casse réellement dans les escaliers. C’est parfait. Une seule bonne prise pour ce plan, que demander de mieux ? De toute façon, difficile d’en tourner une deuxième.
L’équipe exprime une certaine satisfaction suite à la surprise que leur a réservée cette séquence. Les imprévus sont parfois fruit de bonnes issues. Il faut compléter cela par des plans de coupe et un contre champ avec l’accessoire explosé au sol. La pluie vient s’inviter, mais heureusement, tout se tourne à l’abri. Les aléas de notre météo tropicale à toujours anticiper.
Ce sentiment d’ambition
Plan après plan, on sent que Zoulaiha prend confiance et qu’elle aime les idées qui se présentent à elle au fur et à mesure. Bien qu’accompagnée avec une certaine précision par son enseignant bienveillant, chacune et chacun des élèves participent au bon déroulement de ce tournage, parfois plus technique et surprenant que ce qui pouvait être attendu.
La conclusion doit mener vers un compte rendu objectif au point culminant de la journée. « Tout est bien dans la boîte » comme on peut dire familièrement. La réalisatrice en herbe vérifie son plan de travail et son scénario, aux côtés de son enseignant. Il faut s’assurer que rien n’a été oublié sur ce premier jour. Tout est bien ordonné. Un soulagement. Voilà qu’il est déjà temps de rentrer pour les futurs cinéastes.
On a vraiment l’impression qu’il y a toujours eu des tournages sur l’île aux parfums, et que cela fait partie de son histoire. Promesse d’avenir ?
Germain Le Carpentier
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