L’abondant courrier des députés au gouvernement est traité avec parfois quelques mois de retard. C’est le cas des questions écrites de Mansour Kamardine, dont l’une posée en septembre 2021, qui viennent de recevoir une réponse.
L’annonce, avait déjà été faite au député, d’un retour à la normale des dessertes de la compagnie CMA-CGM, « qui va reprendre une desserte hebdomadaire en novembre », indique le ministre. Nous avons demandé confirmation à la compagnie. Son directeur nous indique tout d’abord que l’augmentation des prix n’est pas liée à la fréquence d’arrivée des bateaux, mais « à la capacité de stockage des distributeurs », contrainte. Et soulignant qu’une augmentation du nombre de navires pouvait aussi être vecteur d’augmentation des prix, « cela revient plus cher à l’importateur que s’il recevait tout sur un seul navire ». Il confirme ensuite un retour à une fréquence hebdomadaire habituelle, grâce à l’acquisition de 6 navires dont nous nous étions fait l’écho. « En plus du trafic régional entre les îles de la zone ». Les prix restent cependant élevés, « en lien avec la demande de fret maritime qui reste plus forte que l’offre ».
La 2ème question également essentielle pour le territoire, porte sur le défi des structures adaptées à l’insertion des jeunes. Le député mahorais rappelle le nombre important de jeunes déscolarisés, qui aboutit à leur « désocialisation », qui touche selon lui 10.000 à 15.000 jeunes « issus de l’immigration illégale », en interrogeant sur le type de filières à mettre en place pour former des jeunes qui n’ont pas les bases requises : « Les collectivités locales ne pourront exercer leur compétence en matière de formation professionnelle et d’insertion avec efficience qu’avec l’investissement ferme de l’État (…) qui doit gérer les nombreux jeunes désocialisés du fait de la déficience en matière de maîtrise des frontières ».
Une politique d’insertion récente
La réponse de Brigitte Klinkert, ministre déléguée en charge de l’insertion, est intéressante en ce sens qu’elle dresse un panorama exhaustif des mesures mises en place à Mayotte, que nous rapportons généralement au compte goute. Rappelant la « situation préoccupante » des jeunes à Mayotte avec un taux de chômage de 43% chez les 15-29 ans, la ministre égraine les dispositifs et évalue le nombre de jeunes bénéficiaires. La Mission locale avec la Garantie jeunes doit avoir accompagné 800 jeunes en 2021, « soit 4 fois plus qu’en 2017 ». L’Ecole de la 2ème chance compte 78 stagiaires au parcours individualisés. Le RSMA a étendu son recrutement aux mineurs avec un parcours « Cadet » développant « les compétences sociales réglementaires » chez les jeunes déscolarisés précocement. Le rectorat et la Mission locale coordonnent leur repérage des jeunes décrocheurs depuis 2016.
Depuis la rentrée de septembre 2020, s’applique l’obligation de formation pour les jeunes NEETS, ni en études, ni en formation, ni en emploi, un public dit « invisible ». Compliqué donc. Pour coller à leur niveau, un « sas de remobilisation » est mis en place pour leur proposer les différentes possibilités d’orientation, les métiers et les opportunités d’emploi, « tout en les guidant vers l’autonomie ». C’est la Croix Rouge et Apprentis d’Auteuil qui ont remporté l’appel d’offres sur ce public en difficulté, et qui ont mis en place l’« aller vers », la construction de partenariats, l’implication des habitants des quartiers pour faciliter le déploiement du dispositif ainsi que la priorisation de certains territoires comme Koungou, Sada, Dembéni, Ouangani, Chiconi, Bandrélé entre autres, où les besoins sont les plus importants. Le nombre de jeunes bénéficiaires n’est pas mentionné.
Montée en puissance des mesures
Les pactes régionaux d’investissement dans les compétences 2019-2022 proposent des parcours de formation vers l’emploi durable aux jeunes et aux demandeurs d’emploi non qualifiés, notamment à travers de la plateforme de parcours renforcés d’accès à la professionnalisation pour améliorer l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, portée par le GIP Carif-Oref de Mayotte.
Une partie des contrats aidés est consacrée aux NEETS. Ainsi, en 2021, 969 Parcours Emploi compétences (PEC Jeunes) et Contrat initiative emploi Jeunes ont été mis en place, « une augmentation de 51% par rapport à 2019 ». Les moyens alloués à l’Insertion par l’activité économique (IAE), ont été considérablement renforcés à Mayotte, permettant de proposer 600 équivalents Temps plein en 2021, contre 322 en 2019.
Plus récemment, le déploiement du programme Travail Alternatif Payé à la Journée (TAPAJ) à Mayotte, permettra de proposer une solution à des jeunes entre 16 et 25 ans désocialisés et présentant des conduites addictives.
Enfin, depuis le 1er mars 2022, le contrat d’engagement jeune (CEJ) est déployé ici comme sur l’ensemble du territoire national : « Il s’agit dans le prolongement de la garantie jeunes, d’un accompagnement intensif vers l’emploi dédié aux jeunes NEETS de 16 à 25 ans, mis en œuvre à la fois par Pôle Emploi et par les missions locales. » Il sera assorti pour ceux des jeunes qui en ont besoin, d’une allocation mensuelle d’un montant à Mayotte de 114 à 285 euros, en fonction des situations administratives.
Une multiplicité de mesures donc, on s’y perd un peu, certaines de juxtaposant à d’autres. Pour compléter cet inventaire, un bilan chiffré du nombre de jeunes couverts par ces dispositifs serait intéressant.
« M’T’ dents » pour les mahorais aussi
Dernière question du député, la santé bucco-dentaire, et en particulier le programme de prévention buccodentaire « M’ T’dents » bénéficiant à la tranche d’âge des 3 à 24 ans, non appliqué à Mayotte. Et malgré un engagement de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Les chirurgiens dentistes du territoire ont interpellé à ce sujet le député, qui s’en plaignait début mars auprès du ministre des Solidarités et de la Santé. Pas de soucis apparemment selon le ministre, puisque la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) attribue déjà une dotation spécifique sur le Fonds national de prévention, d’éducation, d’information en santé (FNPEIS) à la CSSM pour des actions de prévention. S’il n’a pas encore été décliné ici, c’est en raison de la crise sanitaire, « la mise en œuvre de ce programme a été décalée ».
Et le ministre Olivier Véran annonce que dans le cadre de l’ordonnance du 1er décembre 2021 relative à l’extension, à l’amélioration et à l’adaptation de certaines prestations de sécurité sociale à Mayotte, le gouvernement étendra le champ d’application du FNPEIS à ce département. Mayotte va donc pouvoir bénéficier du développement « progressif » de l’offre de prévention en santé.
Anne Perzo-Lafond
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