Contrairement au procès en première instance de juin dernier, Me Ekeu avocat de la victime présumée a fait savoir que l’audience ne se ferait pas à huis clos. Le président de l’association Gueules d’Amour Tyler Biasini avait alors été reconnu coupable de l’accusation de viol qui lui était reprochée et condamné à 7 années d’emprisonnement. Contestant ce jugement, le second procès s’est ouvert ce lundi 16 mai.
« Je suis innocent Madame la présidente »
Le fait reproché par l’ordonnance de mise en accusation remonte à la nuit du 2 juillet 2014. L’accusé accompagné d’un de ses amis rejoint au Jungle Bar à Mamoudzou la plaignante, F., qui fête son anniversaire accompagnée d’une connaissance. La soirée se passe jusqu’à la fermeture de l’établissement à 3 heures du matin. Les individus sont raccompagnés en voiture par l’acolyte de Tyler Biasini qui dépose dans un premier temps l’amie de la victime présumée avant de déposer le président de l’association chez lui avec F.
C’est à partir de ce moment que le calvaire aurait débuté. Si le l’accusé ne nie pas avoir eu des rapports sexuels cette nuit-là, il conteste cependant l’accusation de viol qui lui est reprochée. D’ailleurs, quand la présidente du tribunal lui demande la position qu’il entend défendre au cours de cette audience, sa réponse se veut des plus lapidaires : « je suis innocent Madame la présidente ». Auditionnée en visio-conférence, F. va revenir longuement sur les faits survenus selon elle cette nuit. « Il m’a frappé, proféré des insultes racistes », avant de poursuivre « il avait un couteau, il m’a étranglé, il me donnait des gifles, il m’insultait ». La jeune femme portera plainte dès le lendemain des faits présumés.
« J’essaye de mettre cette histoire derrière moi »
Alors que Me Cooper, avocat de Tyler Biasini entend davantage entrer dans les détails concernant les rapports sexuels, F. exprime son agacement de devoir à nouveau ressasser pour la énième fois les évènements, « j’essaye de mettre cette histoire derrière moi. Je revois à chaque fois les images. Je ne comprends pas pourquoi je dois encore en parler ». Les questions de Me Cooper se veulent précises, l’irritation de F. est crescendo ; le ton monte, l’agacement est perceptible, les paroles s’entrechoquent, les phrases se déstructurent, la connexion capricieuse de la visioconférence ajoute de la confusion à l’incompréhension. La présidente du tribunal est obligée d’intervenir pour calmer le jeu, « je suis là pour faire la police de l’audience ».
L’interrogatoire électrique entre Me Cooper et F. dénote avec la posture martiale du
l’accusé : assis sur le banc des accusés, le buste droit tout comme son regard, les mains parfois jointes. Cette immobilité stoïcienne est parfois trahie, de temps à autre, par sa tête qui se tourne vers l’écran de visioconférence. Néanmoins, aucune réaction ne semble se lire sur son visage ni pendant l’interrogatoire de la plaignante ni durant les multiples prises de paroles des nombreux témoins qui se sont succédé à distance mais aussi à la barre.
« Pour moi il est mon fils »
Rencontrés dans le cadre professionnel ou au détour d’une soirée, ami d’enfance ou depuis Mayotte, assistante parlementaire, vétérinaire, professeure des écoles, ancienne présidente de l’association Gueules d’Amour ou encore épouse et mère, tous ont loué à un moment sa « gentillesse », sa « bienveillance », son côté « travailleur ». Certes, s’il est décrit « comme un homme à femmes » et « dragueur », à aucun moment les témoins ne font part de gestes déplacés ou de paroles injurieuses. L’ancienne présidente de Gueules d’Amour s’émeut, « j’aurais voulu que mon enfant soit Tyler. Il est d’une bienveillance, d’une courtoisie, un grand bosseur. Il a le cœur sur la main. Tout le monde est persuadé que c’est un piège. Pour moi, il est mon fils ».
Le procès prévu sur deux jours se termine aujourd’hui mardi avec le réquisitoire de l’avocat général ainsi que les délibérations du tribunal.
Pierre Mouysset
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