« La problématique santé revêt une importance capitale pour une population souvent meurtrie dans sa chair, pour faire l’objet de cible permanente des délinquants. Agressions et brutalisations sont le quotidien des mahorais. Sans parler des assassinats qui défraient la chronique dans les journaux. Alors M. le ministre, si nous sommes incapables de prodiguer les soins basiques ici, sur place, à Mayotte, sans être obligés d’être évacués vers d’autres hôpitaux de la région, alors, on a raté notre mission, notre vocation : celle de se donner les moyens de soigner les gens ». Tels sont les propos tenus par le député Mansour Kamardine en sa qualité de président du conseil de surveillance du CHM, en guise de préambule à la visite du CHM de Gérald Darmanin.
Une situation que le ministre n’aura pas manqué de relever, prodiguant par la suite une dose de rappel des problématiques de santé du 101ème département : manque de médecin, manque de logement, manque d’attractivité, manque de structures, retour des mahorais de métropole ou d’ailleurs…
Autant de thématiques déjà soulevées maintes fois, jusqu’à très récemment, à l’occasion du rapport du Sénat daté du mois de juillet dernier. L’on pouvait alors y lire : « Dans une situation de pauvreté considérable, Mayotte connaît encore des phénomènes sanitaires qui ne trouvent de comparaison dans aucun autre département français ».
Impossible alors, pour le ministre récemment chargé des Outre-mer, de ne pas évoquer le second hôpital, sacro-sainte promesse présidentielle en passe de devenir réalité, pour une construction annoncée à l’horizon 2025. Et pour cela, l’Etat annonce mettre 350 millions d’euros sur la table. Des fonds divisés entre les nouvelles constructions et les rénovations déjà en cours des infrastructures existantes.
Oasis ou mirages ? Des alternatives pour amoindrir le désert médical mahorais
Problématique principale du paysage médical de l’île au lagon, la question des insuffisances chroniques en personnels, notamment en médecins : « Les médecins de ville, il en manque partout sur le territoire national (…) Il en manque beaucoup dans les territoires ultra-marins, il en manque beaucoup à Mayotte » rappelait le ministre. « Ce qui est compliqué à comprendre c’est que les médecins généralistes sont des médecins libéraux et donc ils ont la liberté d’installation partout où ils le souhaitent et que l’on ne peut pas contraindre les médecins libéraux de s’installer sinon on ne serait pas dans une médecine libérale ». Face à cette difficulté aux allures d’évidence, le locataire de l’hôtel de Beauvau évoque un travail de mutualisation: « il faut absolument qu’un travail soit fait entre les communes, le Conseil départemental, l’Etat, l’ARS bien sûr et la préfecture pour voir comment on peut aider les médecins généralistes à s’installer sur le territoire ».
Quant aux alternatives potentielles, Gérald Darmanin dresse la liste : « On est en train d’expérimenter des choses en métropole, il y a la télé médecine bien évidemment, il y aussi le fait que l’on peut faire des maisons de médecine d’urgence qui est intéressante. Il y a le fait que parfois les médecins sont embauchés salariés, ils ne sont plus médecins généralistes mais embauchés par la collectivité territoriale, il y a des mairies, il y a des départements qui le font. Il faut tout expérimenter ici à Mayotte ».
Là encore, la question de la mutualisation des acteurs n’est pas inédite. En juin dernier, le Comité Intersectoriel Mahorais pour l’Attractivité, l’Installation et la Pérennisation des Professionnels de Santé voyait le jour, avec des objectifs similaires.
« Une République généreuse mais qui a besoin d’être ferme en même temps »
Interrogé par nos confrères de l’AFP sur ses propos de la veille concernant la nécessité « d’abaisser l’attractivité sociale de Mayotte », le ministre répond. Bien que la question semble valable, l’accès aux soins occupant une large part de l’attractivité évoquée (en attestent les kwassas sanitaires et le nombre de naissances), Gérald Darmanin déclare qu’« il ne faut pas tout confondre : c’est l’honneur de la République et c’est l’honneur des médecins que de soigner toute les personnes qui se présentent à eux ». Il reprend : « selon les chiffres que nous ont donné tout à l’heure les médecins, 80 % des 12 000 accouchements qui se tiennent ici viennent de personnes qui ne sont pas françaises, qui ne sont pas mahoraises. Je comprends qu’il y a à peu près 50 %, les élus disent qu’il y a plus que 50 % d’étrangers qui sont soignés ici à cet hôpital. On voit bien que la République est à la fois ferme, elle dit que l’on ne peut pas continuer comme ça, elle renvoie 20 000 étrangers chaque année, elle fait condamner et elle fait expulser les étrangers qui sont délinquants et en même temps elle est généreuse, elle soigne tout le monde gratuitement ». Toutefois, « Nous sommes une République généreuse mais qui a besoin d’être ferme en même temps ».
En somme peu d’annonces véritablement révolutionnaires, sinon le budget alloué au nouvel hôpital et sa construction prochaine, et la promesse de « revenir à Paris avec des réflexions encore plus avancées ». D’ici là, les malades mahorais auront encore leurs maux à dire…
Mathieu Janvier
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