Mayotte est le seul département de France à ne pas être pourvu de radar météorologique. Cet équipement permet, comme nous le verrons, d’obtenir une précision et une fiabilisation des données pour une meilleure anticipation des perturbations notamment.
En visite à Mayotte en 2021, Virginie Schwartz, PDG de Météo-France avait annoncé de nouveaux moyens, dont un radar hydrométéorologique. Les travaux devaient commencer en janvier 2023. Nous avons tenté de savoir où en était l’infrastructure il y a quelques semaines. Le dossier était au point mort. En cause, le terrain visé par Météo-France, sur le point haut de La Vigie en Petite Terre, est propriété du Conservatoire du Littoral dont l’objectif premier est de défendre les espaces naturels contre le bétonnage.
Un des plus fervents défendeurs du dossier nous avait contacté pour nous expliquer son incompréhension, « ce radar permettrait de sauver des vies en cas d’arrivée d’une perturbation, et on nous interdit de le mettre à un endroit où nous ne sommes pas sur le littoral, mais en haut d’une montagne ». Pas d’autres sites selon lui.
L’arbitrage était monté jusque sur le bureau du premier ministre Jean Castex, mais rien n’en était sorti. Depuis, et après de longues discussions, les instances en présence se sont mises d’accord, comme nous l’explique Olivier Bielen, directeur régional du Conservatoire du Littoral. « Nous sommes sorti de la situation de blocage, en travaillant avec la préfecture et Météo France. Un accord a été trouvé sur une solution alternative. » Ce que le dirigeant du Conservatoire regrette, c’est d’avoir « été associés tardivement » au projet.
A chacun son pré carré
Le directeur de l’antenne de Mayotte, Christian Beillevaire, pousse plus loin l’explication : « Nous sommes contraints par la législation en matière de foncier, le Code de l’environnement en l’occurrence. Nous avons acquis ce terrain dans les années 90, pour le préserver de toute urbanisation. On comprend bien l’importance de ce radar pour l’île, mais si nous dérogeons, cela fera jurisprudence et créera un précédent juridique. Or, les besoins en terme d’équipements publics d’intérêt général sont énormes à Mayotte, et tout le monde a tendance à aller vers le foncier déjà sécurisé. »
Dans ce cas, l’emprise n’est pas démesurée, comme nous explique Emmanuel Cloppet, Directeur régional de Météo-France, basé à La Réunion : « L’implantation de ce radar nécessite 80m2, à peine un carré de 10m sur 10. Mais le dossier a avancé, nous sommes satisfaits, car il y a eu un arbitrage au niveau des directions générales à Paris ».
Une montée de la problématique à la capitale… pour 80m2. Le compromis trouvé porte sur la construction du radar en bordure du foncier du Conservatoire du Littoral, comme nous rapporte son représentant, « il sera sur un terrain qui jouxte le nôtre, avec quelques emprises du chantier sur notre parcelle, le temps de la construction ». C’est désormais sur un terrain appartenant au conseil départemental que doit s’ériger le radar, où vit actuellement un occupant sans droit ni titre, le train-train…
Emmanuel Cloppet semble optimiste, le dossier devrait donc enfin pouvoir avancer. Son financement vient d’être entériné au sein de la convention 2022-2026 signée entre Météo France et la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR), « elle intègre bien le radar de Mayotte », rassure Emmanuel Cloppet.
Lorsque le foncier sera définitivement sécurisé, il faudra aménager la route, construire le bâtiment et le radar lui-même, « une opération lourde, qui implique beaucoup d’intervenants. La livraison est toujours prévue pour 2025 ». Pour le représentant de Météo-France, c’est là un « outil indispensable en matière de prévision immédiate ». Que nous n’avons donc pas, et qui aurait pu par exemple permettre de voir arriver la grosse masse orageuse qui a déversé ses fortes pluies qui avaient emporté voitures et équipements ménagers en février 2021 sur Acoua.
Mieux cibler la couleur de l’alerte
« Quand il n’y a pas de radar, nous sommes aveugles, nous n’avons que les données des satellites. Or, ces derniers donnent une image tous les quarts d’heure, avec une précision de 10km, quand le radar les livre toutes les 5 minutes, avec une précision du kilomètre. Actuellement, nous avons des prévisionnistes à Mayotte en journée, et la nuit, c’est La Réunion qui prend le relais. Même si un radar ne fait pas tout, et les averses orageuses en Corse en sont la preuve, c’est un instrument indispensable. Mayotte est le dernier département français à ne pas en être doté ».
En clair, il devrait nous permettre de lire quasiment à ciel ouvert dans notre destin météorologique.
Et bien sûr, en période cyclonique. « On pourra visualiser l’arrivée d’une perturbation à moins de 300km sur les dernières heures, c’est précieux en cas d’alerte rouge comme Mayotte en a connu avec le passage de Belna en décembre 2019. On aurait pu voir la trajectoire changer en temps réel et mieux anticiper. Avec toujours l’incertitude liée à notre domaine, d’un écart à la trajectoire au dernier moment ».
Autre intérêt qui nous concerne au plus haut point, « nous pourrons estimer les cumuls de pluies sur l’ensemble de l’île ». Nous savons qu’actuellement un réseau de 4 pluviomètres est installé, mais sur Grande Terre, les capteurs sont détruits, « nous avons en effet du mal à maintenir ce réseau opérationnel en raison du vandalisme. Le radar, ce serait véritablement un filet de sécurité, et pour la DEAL, un gros pas en avant pour suivre les excès de pluviométrie ».
Après le départ de Laurent Floch, le poste resté libre sera pourvu par Floriane Ben-Hasseau, qui prend donc la direction de l’antenne locale de Météo-France. Elle connaît bien le territoire pour avoir été en charge de la cellule de veille hydrologique à la DEAL.
Elle devrait donc suivre l’évolution du dossier, c’est pour une fois un plus pour Mayotte que d’être « au radar » !
Anne Perzo-Lafond
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