Vous avez fait vos études à Mayotte ?
Miodi Abderemane : Oui. Je suis né le 24 avril 1995 à Mamoudzou, et j’ai suivi ma scolarité à Dembéni jusqu’au lycée, ou j’ai décroché un Bac L mention B. Je suis aussitôt parti à Montpellier pour suivre une formation professionnelle dans l’aviation à l’ESMA Aviation Academy. Mais, malgré l’aide de mes parents, j’ai dû abandonner, les études coutaient trop cher. Je suis donc parti à Grenoble, passer ma licence de pilote privé, puis à Perpignan passer l’ATPL*, la licence européenne de pilotage avion indispensable à l’exercice de la profession de pilote de ligne. Pour la pratique, il fallait cumuler au minimum 175 heures de vol, la phase de ‘murissement’ que je choisis de faire en Nouvelle Calédonie. J’ai travaillé pour un aéroclub notamment sur un Cessna 150 qui embarquait des touristes.
En 2019, je reviens en métropole pour passer ma licence professionnelle avec qualification aux instruments de vol chez Aérofutur à Perpignan. Et là, le Covid vient tout arrêter. Je parviens malgré tout à valider la partie multimoteur fin 2020, quand Pôle emploi me contacte pour me payer la formation ‘travail en équipage’. Jusqu’à présent, ce sont mes parents qui avaient pris en charge financièrement mes études, et l’année dernière, bonne nouvelle, le conseil départemental m’informe qu’ils me paient la QT, la Qualification Type.
Vous êtes désormais sur le marché du travail, donc ?
Miodi Abderemane : Oui, je viens de boucler mes CV, et j’en ai déjà envoyé pas mal. J’ai une piste chez Ewa Air, mais je ne suis fermé à aucune compagnie.
Mayotte peut donc compter dans les rangs des pilotes de ligne, un natif qui veut s’engager sur son île ?
Miodi Abderemane : C’est évident pour moi. La première fois que j’ai volé, c’est avec Tip top ici en Petite Terre. Et puis c’est normal, j’ai ma famille ici et depuis tout petit, c’est en regardant le ciel, les nuages et les oiseaux du ciel de Mayotte que j’ai eu envie d’être pilote. Surtout, je voyais passer les avions au-dessus du jardin de ma grand-mère à Dembéni.
A Dembéni ?!
Miodi Abderemane : Oui parce qu’avant 2005, il n’y avait pas de contrôleurs aériens à Mayotte, que des agents techniques AFIS**, et donc les avions faisaient tous une boucle avant d’atterrir. J’ai toujours voulu faire ce métier, sans doute une hérédité puisque mon père était stewart !
Quelles ont été vos difficultés à surmonter ?
Miodi Abderemane : En seconde, on m’a dit, vu ce que tu veux faire, tu auras besoin d’un Bac S, avec beaucoup de maths. Je me suis renseigné, et je vois qu’un Bac L n’a rien de rédhibitoire. Parce que pour moi, les maths à l’école, c’était très pénible. Mais pendant mes études, j’ai été obligé d’en faire pas mal, mais comme ça s’appliquait à chaque fois au côté pratique, ça ne m’a pas gêné.
Autour de Miodi, ses parents sirotent une menthe à l’eau. Son papa Hassane Abderemane, revient sur son enfance, « il jouait tout le temps à l’avion, et paradoxalement, avait peur de monter dedans. Lorsqu’il avait 5 ans, nous l’avions mis dans un avion pour La Réunion… qui n’a jamais pu décoller tellement il hurlait et se détachait en permanence ! Même lorsque l’hôtesse l’a amené dans le cockpit, ça ne l’a pas calmé ». Ce qui fait rire sa maman, Geneviève Abderemane, Assistante en cabinet dentaire du CHM, et membre de la famille Montcherry, « elle, c’est une Montcherry, et moi on m’appelle ‘ma chérie’ » plaisante son papa suscitant un sourire chez ce fils discret et dont il est si fier.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
* Airline Transport Pilot Licence
** Airport flight information service
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