Pour pouvoir installer la scène de son festival Sanaa, le maire de Mamoudzou a dû évacuer le grand parking du marché couvert, augurant une belle panique pendant trois jours. Sachant que c’est sur cet espace que sera construit le Pôle d’échange multimodal, la zone où nous basculerons du bus vers la barge ou le taxi ou tout autre mode de transports, nous avons cherché à savoir où se gareront les voitures à ce moment là. C’est au « sachant » en mobilité de l’île que nous nous sommes adressé, Mohamed Hamissi, dit « Thomas », directeur de l’environnement et de la mobilité de la communauté de communes de Petite-Terre et ancien chef de projet Caribus. Il appelle à anticiper en urgence.
« Le sujet peut vite devenir conflictuel dès que les travaux du Pôle d’échange multimodal vont commencer sur la grande place à côté du marché couvert, auparavant prévus pour cette fin d’année, et repoussés vraisemblablement à l’année prochaine. Car nous n’avons pas assez de places de parking entre Mtsapere et les Hauts-Vallons, il y en a exactement 1045. » Les travaux vont en condamner une partie, « les 427 actuellement sur le front de mer ». Et pour les remplacer, peu d’alternative. « Il reste les 40 places de la place de l’ancien marché, mais il y a tous les taxis à caser, qui n’auront plus d’aires de stationnement, et les gens qui laissent leurs voitures pour prendre la barge, etc. »
L’idéal aurait été d’anticiper… et d’être audacieux si l’on en croit la solution idéale qu’il propose : « Il aurait carrément fallu programmer la mise en service des bus du réseau de transport en commun pendant les travaux du Pôle d’échange. Car c’est la contrainte du manque de place qui aurait incité les automobilistes à délaisser leur véhicules et à s’orienter vers le bus ». Avec des trajets en conditions dégradées puisque la voie dédiée aux bus n’aurait pas encore été fonctionnelle, et que les bus auraient subi les embouteillages, « mais de toute façon, les voitures des particuliers sont dans les bouchons. Sauf que quand les travaux vont commencer, ils vont devoir en plus tourner un bon moment pour trouver une place ! »
Envahissement certain des trottoirs
Résultat, les voitures risquent de partager les trottoirs avec des piétons qui ne le verront sans doute pas d’un bon œil, « et ne parlons pas des personnes handicapées ». Mais pour avoir les bus derniers cris, avec clim et tout et tout, il aurait fallu passer commande il y a 2 ans. « C’est vraiment dommage, car les spécialistes que nous sommes auraient pu expliquer que le stationnement est un levier de régulation de la mobilité, soupire Mohamed Hamissi, c’est à dire que l’existence de places de stationnement autorise l’emploi de la voiture, mais quand il n’y en a pas, il faut trouver une alternative ». S’il n’a pas travaillé sur cette problématique lorsqu’il était aux manettes de Caribus c’est que le projet était communal au départ, « à l’époque, c’était donc au conseil départemental de le faire. » C’est désormais la compétence de la CADEMA. Alors comment faire ?
« La seule solution, c’est le covoiturage pour les trajets domicile-travail. Je sais que ce n’est pas bien vu par la population, mais c’est la seule solution pour sauver l’économie de Mayotte dans l’immédiat, victime des embouteillages infernaux. Fidèle à son habitude, il a tout prévu, notamment les espaces de covoiturage, comme en métropole. « Le marché couvert de Tsararano, qui n’a jamais fonctionné, peut être transformé en parking relais avec ses 58 places. Les gens pourraient se retrouver à cet endroit pour covoiturer. La police municipale est à proximité, et lors de l’attente, les passagers feraient une clientèle supplémentaire pour les commerçantes. » Et lorsque le Caribus sera en place, cette transformation pourra être pérennisée, « car il y a un arrêt de bus tout prés ». Il invite à chercher ainsi la moindre aire exploitable en parking-relais, « ces entreprises privées peuvent mutualiser avec des administrations », lâche-t-il en ayant des visée sur le parking de EDM à Kawéni, et sur ceux des collèges et lycées, « on peut également aménager le terre-plein sauvage à côté du syndicat des eaux. » Idem pour le conseil départemental, « il y a environ 340 place de stationnement à côté du cinéma ».
70% des automobilistes se déplacent seuls
La formule du covoiturage n’a jamais vraiment pris à Mayotte, « ici, on fait ce que les professionnels appellent de ‘l’autosolisme’, 70% des automobilistes se déplacent seuls », déplore Mohamed Hamissi qui y voit pourtant un autre avantage, « beaucoup se lèvent à 4h du matin en se demandant ce qu’ils vont trouver sur la route, et craignent d’être caillassés. Là, ils seraient plusieurs dans la voiture, et comme il y en aurait moins, ils pourraient se lever moins tôt ». Si 10 voitures parviennent à concentrer trois conducteurs dans chacune d’entre elles, cela fait 20 voitures en moins dans un embouteillage. C’est selon lui un double enjeu, « de santé publique, de cohésion sociale et de pollution. »
Pour optimiser l’ensemble, il prône l’horodateur comme arme de dissuasion contre les stationnements de longue durée, « et les riverains peuvent avoir des offres préférentielles ». Car si le covoiturage est préconisé pour les trajets domicile-travail, pour les autres démarches, rendez-vous médical ou administratifs, il ne faut pas bloquer les places de stationnement. « Là-dessus, la mairie de Mamoudzou a un rôle majeur à jouer ».
Pour inviter les usagers de la route à covoiturer, une campagne de communication est à mener selon lui, « d’abord, le ralentissement de la circulation profite aux délinquants », et on l’a vu ce lundi matin à 8 heures à Kawéni, et ensuite, il faut expliquer que le contexte local impose de changer les comportements. »
Et cela, en attendant « le miracle des transports en commun », avec l’arrivée du Caribus.
Anne Perzo-Lafond
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