La saison sèche 2022 (de mai à octobre) aura semblé, pour quiconque ayant passé l’hiver austral à Mayotte, particulièrement pluvieuse. Presque tous les jours, de petites pluies fines à répétition, et la sensation latente d’une saison humide en continu. Pourtant selon les chiffres, la saison a été bien moins marquée par les précipitations qu’à la normale.
« Il n’a pas beaucoup plus par rapport à la normale de saison sèche » explique le prévisionniste de Météo France Ali Madi. « C’est l’accumulation qui fait que cela semble beaucoup, mais en termes de pourcentages, cela va moins peser sur la quantité d’eau ».
Pour illustrer son propos, le technicien nous donne quelques chiffres. Ainsi à Dembeni, il a plu de mai à octobre environ 106mm, pour une normale située à 186mm. La normale étant la moyenne des trente dernières années. Sur la même période à Combani, il est tombé 145mm, au lieu des 242 mm de la normale. « C’est l’effet de régularité qui donne l’impression d’une augmentation des précipitations » résume le prévisionniste.
Une saison pluvieuse record
Heureusement pour les réserves de l’île, la saison humide précédente (de novembre 2021 à avril 2022) s’est avérée particulièrement intense, permettant de compenser le déficit de la saison sèche. Et dans certaines zones, les précipitations ont atteint des taux records sur cette période, comme à Bandrélé (1770 mm au lieu d’une normale de 1311mm), ou encore à Combani, où 1809 mm sont tombés, au lieu des 1502 mm de la normale.
Enfin sur toute l’année, considérant les 12 mois glissants (novembre 2021 à octobre 2022),
il a plu à Bandrélé l’équivalent de 1749 mm pour une normale de 1277 mm.
A Combani, l’on compte 1876 mm pour une normale de 1526 mm.
Seule exception les précipitations de Dzoumogne se sont avérés plus faibles qu’à l’accoutumée, avec 1563 mm contre une normale de 1696 mm.
Autant de phénomènes qui s’expliquent, selon Ali Madi, par le dipôle de l’océan Indien ( ou le El Niño indien), une oscillation irrégulière des températures de surface de la mer.
« Le dipôle de l’océan Indien, c’est une sorte d’équilibre : quand à l’Est de Madagascar il fait chaud, à l’Ouest il fait froid. Ce qui va se passer actuellement c’est que dans notre zone, il va faire un peu plus froid que d’habitude d’ici décembre », explique-t-il. Et la fraîcheur entraînera donc moins de précipitations.
Des mois à venir plus secs ?
« Les mois qui vont venir pourraient être secs selon les prévisions » déclare le prévisionniste. « On est en train de surveiller ça, on craint un départ tardif de la saison des pluies, et l’année pourrait ressembler à celle de 2016-2017, année de référence pour les coupures d’eau ».
Ainsi, l’année en question se caractérisait par des précipitations normales dans le Centre et le Sud, mais en deçà de la normale dans le Nord, vers Dzoumogne. Et la zone n’est pas anodine, puisque c’est précisément là que se situe la retenue collinaire du Nord. Le scénario pourrait donc – le conditionnel reste de mise avec les prévisions météorologiques – se répéter cette année. Et ce, avec toutes les problématiques liées à l’eau que l’île ne connait que trop bien. Il n’y aura plus qu’à espérer que la montée en puissance du Syndicat des eaux se poursuive d’ici là, et que la Cour des comptes ne trouvera plus d’autres squelettes dans les placards de l’ancienne mandature, au risque de ralentir encore et toujours les entreprises nécessaires au développement de la production d’eau sur l’île. Mais là encore, rien ne coule de source…
Mathieu Janvier
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