Il était dans ses petits souliers le PDG d’Air Austral, et il est plutôt pas mal dans ce rôle, carrément accessible. Marie-Jospeh Malé devait intervenir auprès de la presse, mais pas si tôt. « J’ai anticipé ma venue en raison du contexte ». Le contexte, c’est une petite phrase à propos des « Mahorais de base » qui, ne sachant pas voyager léger, pouvaient bien être privés de l’opération « Tarif LIGHT », c’est à dire de prix préférentiel sous réserve de ne pas avoir de bagage.
On a compris que la salariée responsable de « cet incident » sent actuellement le vent du boulet, mais que son ancienneté de presque 10 ans dans la compagnie « sans aucune erreur et à l’attitude compréhensive », devrait lui éviter le licenciement. La « chaîne de commandement va être revue », assure Marie-Josèph Malé, car il a fallu une semaine de diffusion de la note auprès des agences de voyage, avant que les indignations se fassent sentir. Le PDG a donc successivement, présenté ses excuses, « condamné à titre personnel et d’Air Austral cette initiative », et réitéré l’engagement d’Air Austral vis à vis de Mayotte et des Mahorais, « cela fait 40 ans que nous desservons Mayotte, et il n’y a jamais eu un tel incident. »
Le Tarif LIGHT est donc bien commercialisé à destination des Mahorais, « mais la note était normalement destinée à avertir qu’aucun bagage n’était admis. Or, lors du direct Mayotte-Paris, cela n’arrive pratiquement jamais. Les agences de voyage pour ne l’avoir pas précisé, ont vu revenir une vingtaine de voyageurs qui voulaient changer de tarif. »
Vols reportés pour cause de forêt
Sans ce séisme dans les cieux, le staff d’Air Austral avait déjà prévu de venir s’expliquer sur les annulations et les reports de vol. Ce qui nécessitait un petit rappel historique sur le choix des Boeing 787-8 pour assurer la liaison directe avec la métropole. « Lorsque j’ai repris les rênes en 2012, Air Austral était en faillite, accusant 82 millions d’euros de perte. La desserte de Mayotte était en suspend. Nous avons décidé alors d’investir dans des B787-8, pour mettre en place des liaisons directes avec Paris, l’amplitude du voyage passait de 17h à 9h50, pour une même structure tarifaire. » Le taux de remplissage de 90% incite la direction a passer à 4 rotations par semaine, puis à 5. Non sans se heurter à des difficultés.
Car sur la « plus petite piste du monde à accueillir des 787 », il fallait apprivoiser l’atterrissage de nuit, en passant, en cette saison d’alizées, au dessus de la colline. Et donc former les pilotes, « seuls trois ont été certifiés », et élaguer quelques arbres. Ce qui aurait du être fait, « mais la société gestionnaire de l’aéroport, la SEAM, n’a étêté que la moitié des 40 arbres visés. Il a donc fallu annuler le vol qui devait arriver de nuit depuis Paris le 25 juin, pour le décaler en vol de nuit. » Normalement, si les 3 élagueurs de l’île tiennent les délais, tout devrait être opérationnel le 10 juillet.
Et si ce n’était que ça. On sait que la compagnie a un avion bloqué au sol, les Mahorais ne voient plus leur Dreamliner (B787-8) aux couleurs du lagon, et pour cause : leurs moteurs Rolls-Royce 1000, qui équipent ce type d’appareil notamment chez Air New Zealand et chez British Airways, ont donné des signes de faiblesse, « un problème lié à l’utilisation sur les ailettes de turbines qui s’usent plus rapidement que prévu. »
Son jumeau arrêté à son tour
Les autorités de Sécurité européenne ont émis une directive de navigabilité qui implique l’arrêt de l’appareil à un certain seuil, « ce qui fut le cas le 18 février 2018 pour le Dreamliner. Rolls Royce doit remplacer les ailettes qui feront l’objet d’un suivi ». Pour assurer la poursuite du transport aérien en haute saison, c’est la compagnie Wamos qui est sollicitée, « mais il ne peut se poser sur la piste courte de Mayotte, il a donc fallu organiser des rotations par La Réunion. » Le Dreamliner aux couleurs de la passe en S devrait renouer avec le sol mahorais le 13 juillet 2018, il survolera donc des arbres fraîchement taillés !!
Acheté en défiscalisation, son jumeau aux couleurs du volcan qui assure l’interim, ne devrait pas avoir l’autorisation d’atterrir en métropole, « nous avons obtenu une dérogation. »Il sera arrêté en septembre-octobre, en basse saison.
Des avions de la compagnie Hifly ont également été affrétés, loin du standing des Dreamliners, « nous avons demandé des améliorations, mais étant donné que de grosses compagnies ont eu le même problème que nous sur les moteurs, nous n’avons pas vraiment eu le choix. » Le second appareil de Hifly est semble-t-il en meilleur état.
Ce sont des « circonstances extraordinaires », répètera à plusieurs reprises le PDG pour expliquer le retard des avions, et ainsi s’abriter derrière la clause qui lui permet de ne pas indemniser les passagers. La législation abrite sous ce terme une situation qui n’aurait pu être évitée, « même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. » Mais il faut distinguer le reports dus à la panne des Rolls Royce, et ceux liés au problème d’élagage. Ce qui ne semble pas si extraordinaire comme opération… En tout cas, Marie-Joseph Malé invite les personnes qui ont été lésées à contacter la compagnie, « les procédures sont sur le site ». En cas d’absence de réponse, la Direction générale de l’Aviation civile* peut être contactée, qui peut engager des procédures de sanctions administratives à l’encontre des transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations.
Mais gageons que la compagnie qui souhaite renouer les liens avec les passagers mahorais, assumera cet objectif.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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