Le Dr Laure Dommergues est vétérinaire épidémiologiste à la Coopadem*. Elle a participé à l’étude que vient de publier l’université de Hong-Kong (lien en anglais).
Le JDM : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette étude ?
Dr Laure Dommergues :
La Coopadem est un groupement de défense sanitaire, ce qui veut dire qu’on a plusieurs activités, notamment du conseil aux éleveurs, de l’approvisionnement de matériel pour l’élevage, du transport de bétail mais aussi une petite activité de recherche et développement. Pour la recherche, on a besoin de partenariats. Cette étude est le fruit d’un partenariat entre la Coopadem et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement ), qui nous a présenté d’autres partenaires notamment à Londres et Hong-Kong. Maintenant, en quoi consiste le travail réalisé. Un des moyens de transmission des maladies, c’est d’entrer en contact les uns avec les autres. Cette étude est une analyse des mouvements des vaches à Mayotte. On a cherché à savoir à quels endroits de Mayotte il y a le plus d’échanges d’animaux. En effet, une commune isolée serait mieux protégée des maladies qu’une commune qui échange beaucoup d’animaux avec les autres, et qui serait donc plus à risque.
Comment avez-vous fait, et quels sont les résultats ?
On a travaillé à partir de deux sources. La première, c’est une base de données officielle des bovins de Mayotte, qui recense tous les numéros de boucle qu’on trouve obligatoirement à l’oreille des bovins.
Mais il y a aussi des animaux sans boucle à Mayotte, c’est une des limites de l’étude. Notre deuxième source, c’est notre propre activité de transport de bétail. Tous nos transports sont enregistrés, même quand on prend en charge des animaux sans boucle, ça compense un peu. Ce qui est démontré dans cet article, c’est qu’on voit plus d’échanges au centre de l’île, c’est à dire entre les communes de Mamoudzou, Dembéni, Tsingoni, Sada, Ouangani et Chiconi. En revanche on en voit moins dans le sud comme à Bouéni ou Kani-Keli.
Ce qui ressort de cette étude, c’est que s’il y a une maladie sur le territoire, elle arrivera forcément au centre de Mayotte. On sait donc qu’on peut accentuer la surveillance au centre pour déceler une éventuelle maladie.
Quel est l’enjeu de cette surveillance ?
Le principal intérêt c’est d’abord de déceler la maladie puis de pouvoir l’intercepter et mettre en place des mesures de lutte le plus rapidement possible à l’échelle du territoire.
Quand les maladies rentrent, c’est en kwassa-kwassa et en provenance des Comores. Quand la PAF intercepte un kwassa avec du bétail, il est immédiatement euthanasié, c’est arrivé encore ce week-end. L’intérêt de cette étude, c’est que même si une maladie arrive au nord ou au sud, elle arrivera au centre. Comme on ne peut pas tous les attraper, on sait qu’il y a ce tampon et qu’on arrivera à la déceler.
Quelles sont les pathologies qui sont ciblées en priorité ?
Il y a deux maladies principales. D’abord la peste des petits ruminants qui touche les chèvres. Cette maladie est arrivée aux Comores en 2012 depuis la Tanzanie. Grâce à la vaccination, les Comores sont parvenus à contenir l’épidémie et Anjouan est préservée. Pour l’instant on a ce tampon. Ensuite, il y a la theilériose, introduite en 2003 en Grande Comore qui a bien décimé le cheptel là bas à l’époque.
A Mayotte on vaccine systématiquement le cheptel contre le Charbon Symptomatique, à ne pas confondre avec l’anthrax. Une autre maladie qui figure dans l’étude, la fièvre de la vallée du Rift, fait aussi l’objet d’une surveillance.
En tout cas, cette étude conforte la prévention qui est faite et la surveillance des maladies à Mayotte. Enfin, plus largement, comme on est une région ultrapériphérique de l’Europe, l’étude aide aussi à protéger l’Union européenne, même s’il n’y a pas d’exportation officielle de produits animaux depuis Mayotte.
*CoopADEM : Coopérative agricole des éleveurs mahorais
Propos recueillis par Y.D.
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