L’accent est toujours mis sur la sécurité pour ce festival qui chaque année installe sa scène sur le plateau sportif de Chiconi. Et la fouille s’annonce en gros sur les gilets, « agent palpeur », vous êtes prévenus !
Après la bonne prestation des musiciens de Chiconi du groupe Faya Red qui avaient la lourde responsabilité d’ouvrir le bal, c’est à un concert décoiffant qu’ont pu assister les fidèles de Milatsika le samedi soir. Chaque année parmi les rythmes locaux, régionaux, ou appartenant à la, grande famille des musiques du monde, Del Zid nous propose un intermède, soit sur des textes originaux, soit sur des rythmes. Cette année ce fut les deux avec « Des fourmis dans les mains », de Villefranche-sur-Saône.
Jeux de mains, jeux de voix, les trois compères nous font rentrer dans leur univers, leurs multiples univers en réalité, faits de textes égrainés sur un fond de voix d’outre-tombe, entre château hanté et chants lyriques à contre-emploi pour la guinguette mal foutue et « sa chanteuse qui bat de l’aile ». Avec toujours un tempo de troubadour, celui qui dénonce, tout, tout ce qui l’énerve, comme dans « Le vol », mais qui conte aussi, « bavard comme une pie » dans l’Animal. Mais ce qui compte au-delà de tout, ce sont les envolées vocales, les duos jubilatoires que Laurent Fellot, l’auteur- compositeur- interprète du trio, enchaine avec un pianiste Camille Durieux, fabuleux !, sur les chœurs du batteur Corentin Quemener.
Le public craque pour son vieux
Beaucoup de textes autour de l’enfance, certains enfantins même comme « le Bateau », mais la plus poignante est sans doute « Prendre tes yeux », un hommage à son père, « je ne pensais pas que ça ferait ça », « les bonsoir et les bonjours ne sont plus là », « j’aurais dû te serrer mon vieux ».
Ils ont reçu le 2ème Prix de l’Académie Charles Cros pour leurs 3ème et 4ème album – Grand prix révélation scène de l’Académie Charles Cros – 1er Prix Spoken Word Le Mans Cité Chanson.
Une divine surprise donc n’en déplaise à son anticléricalisme, qu’il lâchait pour inciter le public à un « baiser de paix », personne ne se faisait d’ailleurs prier ! Un public qui ne demandait ensuite qu’à envoyer un « à bisser », dans un rappel soft. Une ambiance que « les Fourmis » auraient aimé démanger, en tendant un micro hors de scène, pour solliciter des cris plus virulent parmi les accros près des barrières, mais qui dans l’ensemble, surpris par ces rythmes venus d’ailleurs, sont restés plutôt sage, préférant cueillir les mots au vol.
Les envolées d’impro d’Andoulaye Traoré
Milatsika, c’est aussi des rythmes afro, d’ailleurs c’est Debademba qui leur succédait sur scène. Une union entre le Burkina faso et le Mali à travers celle d’Abdoulaye Traoré et du bô gosse, Mohamed Diaby, aux phrasé et déhanché classes, présenté comme issu de la tradition des griots maliens, ces conteurs imprégnés de l’Histoire de leur village. En réponse à sa voix envoutante et aux impros impressionnantes à la guitare sèche d’Andoulaye Traoré, c’est un public nombreux qui se déhanchait au pied de la scène, le gros succès de la soirée. Peu servis cependant par un son fouillis.
Difficile pour Djirani de leur succéder à 1 heure du matin. On s’attendait à une maturation des talents du mahorais Mikidache, avec ceux de Mikéa, Madagascar et de Davy Sicard, La Réunion, mais au lieu d’offrir un bouquet final de leur trio de guitares, ils se succédaient sur scène, laissant quelque peu les festivaliers de Milatsika sur leur faim.
Les festivals se comptent sur les doigts d’une main à Mayotte et Milatsika fait parti des premiers. Nonobstant un son un peu fouillis, il nous a encore offert cette année de beaux moments musicaux. Mais avec seulement 1.200 spectateurs, dont 400 le vendredi « en raison de la pluie du vendredi », glisse l’organisateur Del Zid, on voit toute l’urgence pour Mayotte de se doter d’une vraie salle de concert.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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