Après un passage à La Réunion où il a visité les trois sites pénitentiaires,Emmanuel Baudin, secrétaire national du syndicat FO Pénitentiaire est arrivé à Mayotte. Une visite qui aurait dû avoir lieu en début d’année mais qui avait été reportée en raison du mouvement social national dans la profession en janvier, suite à l’agression de plusieurs surveillants. Pour le syndicaliste qui a donc repris son tour des outre-mer, c’est l’occasion de rappeler les “4500 agressions physiques envers le personnel pénitentiaire chaque année” qui sont “devenues le quotidien des surveillants”.
A Mayotte, et en outre-mer en général, il constate un certain “respect de l’uniforme” qui subsiste. “En outre-mer, c’est encore le surveillant qui tient la prison, en métropole ce n’est plus le cas” accuse-t-il. Mais ce respect de l’uniforme est chancelant. “Ici c’est en train de décliner avec la nouvelle génération, déplore un surveillant. On a des jeunes qui ont été abandonnés, qui n’ont pas de cadre, c’est un nouveau profil qui se retrouve ici. On a encore une frange de détenus qui respecte, mais ça ne va pas durer” présage-t-il.
D’autant que d’autres phénomènes nouveaux viennent changer le paradigme local. L’arrivée de la chimique dans les prisons rend plus difficile la surveillance des détenus. “Certains arrivent à la promenade comme des zombies, c’est un phénomène de plus en plus important”.
La promiscuité inquiète aussi ces personnels qui voient des situations “qu’on n’accepterait pas en métropole”, comme le doublement des cellules de mineurs. Le quartier des mineurs de Majicavo compte 20 places, mais une trentaine de détenus. Certains sont donc à deux par cellule, une exception française. “Vous imaginez deux mineurs dans une cellule, la nuit il peut arriver n’importe quoi, alerte le secrétaire national”.
Un établissement “sous-dimensionné” à Mayotte
Autre difficulté, la judiciarisation des pathologies mentales. “Au niveau national, on supprime des lits en hôpital psychiatrique, alors on les retrouve chez nous” poursuit-il.
Mayotte, qui ne dispose d’aucune structure adaptée pour les malades dangereux, est particulièrement exposée. “On reçoit beaucoup de jeunes qui sont à côté de la plaque et qui cassent tout, reprend le gardien mahorais. Il y a quelques semaines on a réceptionné celui qui a tué son frère, ça a été très difficile les premiers jours. Et ce n’est pas le seul, ils sont en détention classique, ce n’est pas un régime adapté du tout”.
Emmanuel Baudin dénonce pour l’outre-mer un secteur pénitentiaire “laissé pour compte” et pour Mayotte un établissement “sous-dimensionné” dans lequel le personnel se plaint de matériel défectueux, de portes qui tombent en panne quand il pleut…
Outre des revendications salariales, la priorité pour tous, c’est la construction de nouvelles cellules. “Il y a de plus en plus de peines alternatives et de bracelets électroniques posés, note un autre gardien, mais pas assez de places. La population de Mayotte va augmenter donc il faut aussi augmenter la capacité de l’établissement, et le nombre d’agents.
En septembre et octobre, deux promotions de nouveaux surveillants ont été recrutées. Sur 1700 agents, 500 sont des Mahorais. Une “volonté du gouvernement” de recruter dans notre département, mais qui a une conséquence. Ces recrues savent d’ors et déjà qu’elles ne pourront pas toutes revenir à Mayotte, et la profession qui recrute au SMIC est confrontée à un fort taux de démission dès la première année de travail.
Y.D.
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