Pendant la première demi-heure, la salle s’est interrogée sur la façon dont la justice administrative est rendue à Mayotte. Le tribunal est réuni à la Réunion, et échange par visioconférence, avec en l’occurrence, un son très faible qui rendait le rappel des faits inaudible, et des juges réunionnais qui n’avaient pas de retour d’image de leur salle. Plusieurs ruptures de faisceaux imposaient au rapporteur public un retour sur ses explications. Les juges avaient pu maintenir l’audience en dépit des troubles sociaux qui secouent leur territoire.
A la barre, en chair et en os à Mayotte, Benoît Jorion, l’avocat de Mayotte Channel Gateway (MCG) s’est félicité à de multiples reprises des conclusions du rapporteur public sur les affaires l’impliquant contre le conseil départemental. Pas bon signe donc, pour ce dernier quand on sait que le tribunal suit majoritairement ses conclusions.
Concilier avant d’indexer
Ce fut le cas tout d’abord de la redevance due par MCG au conseil départemental, délégataire et délégant n’ayant pas la même grille de calcul. Si celle du Département a été défendue par le président de la Chambre Régionale des Comptes, « elle n’est ni datée, ni paraphée », souligne le rapporteur public, validant donc celle de MCG, qui doit donc reverser 75% des redevances sur marchandise perçues sur l’année, sans le supplément demandé par le Département. L’avocate du Département avouait ne pas détenir de version paraphée.
Et quand le Département parvient à dérouler une procédure dans les clous, il lui est reproché de ne pas avoir tenté la conciliation à l’amiable en préalable à toute sanction envers MCG, comme le lui impose l’article 68 de la Délégation de Service Public (DSP). « Encore faut-il que la conciliation soit possible ! », faisait remarquer l’avocate du CD, « car il s’agit de sanctionner le comportement du délégataire qui ne remplit pas ses obligations contractuelles. »
Cette difficulté de négociation s’illustre dans le gros dossier portant sur les tarifs des grues et des RTG. Acceptés par le Département avec l’arrêté du 2 septembre 2016, ils sont contestés dans leur légalité par le préfet. Des tarifs provisoires sont adoptés le 13 décembre suivant.
Puis un rapport du cabinet CATRAM mandaté par le CD, dénonce des tarifs « excessifs » et « pas cohérents », tel que le rappelait le rapporteur public. Mais il reproche au préfet des arguments « peu convaincants », quand le contrôle de légalité dénonce des tarifs de MCG différenciés « pour des prestations identiques », qui viseraient pourtant à privilégier son manutentionnaire Manuport par rapport à la SMART. Le conseil de la préfecture n’avait « aucune observation » à faire à la barre. Le rapporteur public demande donc l’annulation du rejet de l’arrêté portant les premiers tarifs, notamment parce que le conseil portuaire n’a pas été systématiquement consulté, « c’est donc celui du 2 septembre 2016 qui revit, tant mieux ! », concluait Me Jorion, anticipant les conclusions du juge… Depuis quelques jours, c’est d’ailleurs la confiance qui était affichée haute en couleurs dans le clan MCG qui invitait la presse à assister au procès.
A raison, dans le dossiers MCG/CCI, celle-ci, grande perdante d’une attribution qu’elle considérait comme “irrégulière” de la DSP, risque d’être déboutée de sa demande d’indemnités, elle avait notamment mis en avant le défaut de présentation de situation fiscale en décembre 2011, “la faculté de régularisation n’est pas obligatoire”, glissait le rapporteur public.
Les délibérations seront livrées dans 6 semaines, annonçait le président Josserand-Jaillet. Nous reviendrons sur les affaires opposant MCG à la SMART ultérieurement.
Ce qui pose de nombreuses questions, à commencer par l’absence de tarifications durant cette période, et les probables factures à refaire à partir du 2 septembre 2016, puisqu’il faudra tenir compte des tarifs « excessifs » des outils de manutention portuaire, et de ses probables « répercussion sur les consommateurs », ainsi que le craignait le cabinet CATRAM.
Anne Perzo-Lafond
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