Coup de filet à la Police aux frontières (PAF). Cette fois ce ne sont pas des étrangers en situation irrégulière que les policiers ont interpellé, mais deux de leurs collègues. Entre autre.
L’opération a eu lieu samedi et un total de huit mis en cause ont été arrêtés, sept à Mayotte qui ont été mis en examen pour corruption active et passive et aide à l’entrée et au séjour de personnes en situation irrégulière en bande organisée, et un complice en métropole qui est en cours de transfert à Mayotte pour y être à son tour présenté au juge d’instruction chargé de l’enquête.
Les faits trouvent leur source à Paris. A la descente de l’avion, la PAF effectue des contrôles d’identité similaires à ceux opérés avant l’embarquement. Au fil des jours, les agents ont repéré un certain nombre de passagers sont la carte d’identité était au nom d’un tiers. Ce sont les fameux “look-alike”, généralement interpellés à Mayotte. Les passagers passant entre les mailles du filet à Dzaoudzi ont semblé trop nombreux aux agents de Paris qui ont fait remonter leurs soupçons. Discrètement, la BMR, le service d’enquête de la PAF a ouvert une enquête à l’aéroport de Mayotte. “Mobiliser un autre service au sein du petit monde de l’aéroport aurait éveillé les soupçons” explique le procureur Camille Miansoni. Permettre au service d’enquêter dans ses propres rangs était aussi une façon d’en montrer la probité et d’écarter toute suspicion de magouilles en interne.
Ecoutes téléphoniques, géolocalisation en temps réel et autres perquisitions ont “confirmé la présence d’un réseau” informait le parquet de Mamoudzou ce jeudi. L’enquête a révélé qu’un “réseau parfaitement organisé” agissait pour faciliter le passage de clandestins jusqu’à l’avion. Deux policiers, contractuels au sein de la PAF, œuvraient dans l’aéroport pour faciliter le passage des “clients”, moyennant plusieurs milliers d’euros par voyage. Interpellés samedi avec l’appui des moyens du GIGN, ils ont été placés en détention provisoire. Les autres mis en examen seraient principalement des “loueurs” de carte d’identité, échangeant leurs documents administratifs contre une part du butin.
La semaine dernière, un juge d’instruction a été nommé pour superviser les suites de cette enquête jusque là diligentée par le parquet. “On fera la lumière et tous ceux qui ont participé de près ou de loin devront en répondre, sans restriction” promet Camille Miansoni qui veut “de la transparence”.
Appel à témoins
Pour étoffer ce dossier et pousser les investigations le plus loin possible, “on a besoin de témoignages” poursuit le procureur. La Justice garantit ainsi aux personnes qui se manifesteraient pour témoigner “des mesures de protection”, ainsi que “des aménagements de réponse [pénale] pour les repentis”, c’est à dire tout complice présumé qui témoignerait de lui-même.
De nouvelles interpellations ne sont donc pas à exclure dans ce gros dossier qui va désormais se poursuivre sous le sceau du secret de l’instruction.
Si la répression suit son cours, la prévention est aussi à l’oeuvre au sein de la police aux frontières. Confrontée à cette affaire qui selon le procureur pourrait “entacher la réputation du service”, la PAF a mis en place des mesures de communication en interne indique le commandant Nadal, directeur adjoint du service .”Nous sommes un service sensible, on a des forces mais aussi des faiblesses. Il y a un rappel des règles et de la déontologie, mais aussi un accent mis sur la formation. Pour les fonctionnaires et les adjoints de sécurité, un suivi encore plus rigoureux sera effectué, on se doit d’être vigilant. Cette affaire est traitée au niveau local mais est remontée jusqu’au plus haut niveau de notre direction à Paris.”
La PAF emploie actuellement une quarantaine d’adjoints de sécurité (ADS), des policiers sous contrat de trois ans, chargés notamment des contrôles d’identité à l’aéroport et qui peuvent accéder à des postes de fonctionnaire en concours interne.
Y.D.
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