Ça va commencer à ressembler à la saga du port de Longoni cette histoire de Délégation de service public sur l’eau potable, avec des jugements de poupées russes.
Rappelons le contexte de la gestion de la distribution de l’eau potable à Mayotte. Par convention d’affermage, le 16 janvier 2008, le SIEAM (Syndicat Intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte) qui regroupe les 17 communes de l’île, a confié le captage, le traitement et la distribution de l’eau potable à la Sogea Mayotte (groupe Vinci), qui l’a ensuite confié à la SMAE (Société Mahoraise des Eaux).
Des discordes répétées tournant autour des avenants au contrat, entre délégant et délégataire, ont incité le premier, le SIEAM, à menacer le second, la SMAE, de rompre la DSP. Son président Mouhamadi Bavi l’accusait de dégager des bénéfices indus, 18 millions d’euros quand ils devaient être quasiment nuls.
Le 25 janvier dernier, le comité syndical du SIEAM avait autorisé le président Bavi à reprendre les négociations pendant deux mois, et, en cas d’échec, à « rompre de manière unilatérale le contrat d’affermage à compter du 1er avril.
Partage du pactole
Les communes de Chirongui et de Dzaoudzi Labattoir s’opposaient à cette décision du conseil syndical, la première déposait un recours auprès du tribunal administratif, sur la base de l’absence de mention à l’ordre du jour de la séance du 25 janvier d’une rupture de la DSP. « En cas de rupture, le montant du préjudice à verser à Vinci sera imputable aux communes, donc à la population », réagissait Roukia Lahadji, maire de Chirongui.
Le président Bavi, lui, indiquait que l’économie réalisée par la rupture et le lancement d’un nouveau marché, permettrait d’éponger ce montant. Il était évalué entre 20 et 30 millions d’euros.
Nous avons appris qu’auparavant, Vinci et le Sieam avaient commencé négocier. Le président Bavi ayant demandé un partage des bénéfices, la SMAE-Vinci aurait proposé qu’ils soient en partie investis dans des travaux (4 millions d’euros), et l’autre partie versée en liquide (4 millions d’euros) au syndicat intercommunal.
On sait que le président Bavi a pris la décision de claquer la porte le 2 avril 2019, en adressant un courrier de rupture de la DSP à Vinci.
“Ne pas engager la population”
Le recours en référé (urgence) déposé par la commune de Chirongui, par la SMAE, et par le préfet, a été jugé ce 9 avril. Le tribunal souligne, notamment, que l’ordre du jour du 25 janvier ne comportait en effet pas la rupture du contrat avec la SMAE, qu’il a été rajouté le jour même, et sans mention explicite de cette rupture.
« La délibération en date du 25 janvier 2019 prise par le SIEAM est suspendue », précise le juge, ce qui annule donc la décision de rupture prise par la suite par Bavi. C’est un jugement sur la forme, pris en urgence, un autre jugement au fond, devra apprécier si la délibération est annulée ou pas.
“Je souhaite qu’on reparte sur des bases apaisées, nous rapporte la maire Roukia Lahadji, chaque partie a des droits, mais nous ne devons pas engager la population dans une voie qui la mettrait en difficulté. Nous devons par ailleurs léguer aux intercommunalités qui vont reprendre cette compétence, une situation claire.”
Lire Ordonnance du 9 avril Commune de Chirongui 1900674
Anne Perzo-Lafond