Comment rassembler des jeunes persuadés que tout les oppose ? Avec un sujet qui les rassemble.
« On est parti du constat qu’il y a des conflits intervillageois, notamment entre Vahibé et Passamaïnty, explique Pascal Ferié, du Conseil départemental. « La logique, c’est de travailler sur une fresque murale avec des joutes picturales, des battles de peinture en quelque sorte. »
L’idée de base était ainsi de réunir les jeunes des différents quartiers pour ce concours de peinture, puis de reproduire la fresque ainsi réalisée à Passamaïnty. Les deux quartiers auraient ainsi pu arborer une œuvre commune.
Mais des problèmes logistiques ont empêché l’acheminement des jeunes de Passamaïnty vers Vahibé dans le cadre de l’école ouverte. Il a donc été décidé de faire deux événements, liés mais séparés. Quitte à « imaginer ensuite une fresque commune dans l’établissement » suggère Yacouba Sow, principal adjoint du collège de Passamaïnty, partenaire central du projet porté par le Département et la Ville de Mamoudzou.
Le personnage fédérateur de ce projet, c’est l’artiste peintre Papajan, « un artiste reconnu sur tout le département ». Pacifiste et zen, « l’artiste en lui-même symbolise tout ce qu’on essaye de faire ici » explique Yacouba Sow.
Papajan trouve être lui-même le mieux placé pour ce projet. « j’étais pas une étoile à l’école, et aujourd’hui je suis accepté dans la société tel que je suis » indique celui qui a obtenu son baccalauréat à 20 ans. « Il ne faut jamais abandonner, si t’as un rêve, c’est ça qui donne la flamme » professe le foundi du graffiti.
Résultat, peu à peu, les tags anarchiques qui criblaient les murs du plateau de Passamaïnty sont remplacés par des graffitis plus élaborés, représentant des paysages, ou des symboles plus poussés. Ainsi, les différents villages rivaux sont représentés, avec une cascade. « C’est la cascade de Passamaïnty, elle prend sa source dans la rivière de Vahibé » précise Mohamed, un des encadrants. Tout un symbole.
Un peu à l’écart, trois autres jeunes, trop âgés pour être des collégiens, apportent leur touche à la fresque en y ajoutant des arbres peints en blanc. Ils discutent en anglais. « Je suis Rwandais, indique Adrien, un des compères. Je suis venu aider pour rendre mon talent public et partager avec les jeunes d’ici. Le plateau est un lieu important où on peut développer différents talents. Ce que je veux leur dire avec ces dessins, c’est de protéger leur environnement. »
Derrière lui, une vieille dame passe, un chombo en équilibre sur la tête. Sans le faire tomber, elle esquisse quelques pas de danse, sourire aux lèvres, encourageant ainsi les jeunes peintres dans leur démarche. Un peu plus tard, un jeune du quartier passe en grommelant et menace de « tout effacer ». Signe que les tensions n’ont pas disparu derrière la couche de peinture.
Y.D.