Revenons 8 ans en arrière. Quelques mois après avoir été estampillée Département en 2011, Mayotte avait été accueillie comme Région Ultrapériphérique de l’Europe (RUP), et héritait de la gestion des fonds européen. Prématuré pour le président du Département d’alors, Daniel Zaïdani, qui jugeait l’exécutif insuffisamment doté de compétences, il transférait donc le bébé à la préfecture.
Peu de monde contestait ce choix logique qui avait été fait à une époque où les services du SGAR (SGAER à l’époque) de la préfecture étaient tenus par un François Mengin-Lecreulx visionnaire. Son départ aura commencé à sonner le glas de l’efficacité du service, en tout cas deux ans après, marqué par un turn-over de SGAR hors du commun ensuite (hors du commun le turn-over, mais aussi certains SGAR), avec peu de dossiers financés par les fonds européens, sur un territoire qui manquait pourtant de tout. Leur agrément d’autorité de gestion avait d’ailleurs été obtenu sur le tard.
Un paradoxe lié à la précipitation de l’accès à la Rupéisation, qui demandait une rigueur dans le montage des dossiers européens, que peu de porteurs avaient, dans une collectivité où l’Etat n’avait jamais investi, ni dans les hommes, ni dans les structures. Une économie de bout de chandelle qui n’a pas aidé Mayotte, et pour laquelle l’Etat est finalement obligé de mettre la main à la poche (écoles, réseau routier, piste d’aéroport, assainissement, etc.).
Nous arrivons doucement au terme de la première enveloppe pour Mayotte, 2014-2020, il est donc logique que le Conseil départemental, censé avoir été formé, reprenne la gestion des fonds, exactement appelés Fonds européens structurels et d’Investissement (FESI). Alors, transfert ou pas transfert ?
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Nous avons questionné Issa Issa Abdou, 4ème VP du Département, qui explique que le Département a bien délibéré pour récupérer l’autorité de gestion, « mais uniquement sur le FEDER, et le FEADER, qui collent à nos ambitions d’aménagement territorial »*. C’est à dire sur les deux fonds structurels, le second étant spécifique à l’agriculture. Les deux autres FESI que sont le FSE (Fonds social européen) et le FEAMP, pour la pêche, restent donc gérés par la préfecture*.
Rien d’étonnant à cela, rapporte l’élu : « Nous adoptons le même schéma qu’à La Réunion où l’Etat gère aussi le FSE et le FEAMP. Et on peut d’autant mieux s’en inspirer qu’ils sont les meilleurs consommateurs domiens de fonds européens. » A la Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, ce sont les conseils régionaux qui ont la compétence sur l’ensemble des 4 fonds. Le Département de Mayotte gèrera aussi bien sûr le fonds régional INTEREG, de coopération avec Madagascar et les Comores.
Une option « moit moit » qui ne semble pas mauvaise, dès lors que la préfecture aura prouvé sa compétence en consommation desdits FSE et FEAMP, et que le conseil départemental aura bénéficié de l’assistance technique de l’Europe à la formation de compétences, que l’eurodéputé Younous Omarjee demande depuis des années pour Mayotte.
Toute ces conditions imposent de rester prudents, en récupérant la compétence de gestion avec les deux fonds qui drainent le plus de besoins et les plus gros volumes d’investissement.
Anne Perzo-Lafond
* Le FEADER sera lui aussi géré par la préfecture. Le Département ne récupère la compétence que sur le FEDER et INTEREG, voir Delib_2019-083_demande agrément AG