Avec cette affaire, on est à la fois dans l’ambiance de « C’était un petit jardin » de Dutronc, et de « Comme un arbre dans la ville », de Le Forestier. Le jardin de madame Madi est situé zone Nel, en plein poumon économique de Mamoudzou, et désormais surplombé par les trois immeubles du Centre Kinga (CSSM, etc.) Prés de 8.000 m2 de terrain a moitié en friche, à moitié cultivé à cet endroit… on pouvait s’attendre à ce qu’il soit plus que convoité.
Vous avez sûrement déjà acheté un plan de pervenche de Madagascar ou un kilo de citron chez elle. « Je suis ici depuis 1996, sur un terrain du conseil général de l’époque, que je louais ». Mais voilà quand il a fallu renouveler le bail, le conseil devenu départemental a émis quelques réticences. Son représentant que nous avons contacté nous fait savoir que la locataire n’a jamais été très coopérative, “elle nous envoyait toujours sur les roses”. Elle rapporte : « Depuis 2013, je suis en procès pour rester ici. » Et tout en parlant, nous accompagne vers le fond du terrain, où trône son puits, mais où une bonne partie des arbres vient d’être abattue. « Voilà, voilà ce qu’ils ont fait ! Ils ont tout détruit, et m’ont coupé l’arrivée d’eau du puits. »
« Ils », on ne sait pas trop bien s’il s’agit du conseil départemental, ou de Cananga, à qui le terrain a été revendu, ou de la SCI Puma, la société immobilière de Somiva (Renault), qui en est propriétaire depuis 2013.
Des plantes à fleurs de valeur passées au coupe-coupe
Nous avons donc contacté Cyril Holveck, directeur de Somiva, qui nous retrace la chronologie des faits, essentiellement judiciaires. « Lorsque nous avons acheté les 7.700 m2 de terrain à Cananga en 2013, nous avons pu utiliser 3.500 ha, les 4.000 m2 restant étant toujours occupés par madame Madi. Une partie 2.500m2 a fait l’objet d’une décision de justice d’expulsion, qui lui a été notifiée le 11 juin 2018. » C’est sur cette parcelle qu’est intervenue la force publique ce jeudi, « avec mandatement du préfet, et présence d’un huissier de justice ». Avec poursuite des opérations ce vendredi.
Dommage que des spécialistes en botaniques ne puissent faire le déplacement, car il y a là de quoi sauver des arbres et plantes de valeur.
Elle aura « usé ses avocats », ce qu’elle résume par, « pfff ! les avocats, ils ne m’expliquent jamais rien ».
Il reste encore à madame Madi les 1.500m2 restant, qui font toujours l’objet d’une instruction, car elle avait pu présenter un bail agricole.
Ce qui l’inquiète avant tout, c’est l’idée de voir arriver les tractopelles face à sa maison, tel un mauvais film, et alors qu’elle héberge une amie diabétique, « le médecin vient tous les jours ». Il n’y a pour l’instant pas de risque, à entendre Cyril Holveck : « Sa maison est sur un terrain du conseil départemental où elle ne paye pas, là non plus, de loyer. Il est mitoyen de nos 1.500m2 »
Demain, avant toute opération, l’entreprise Mayotte Topo va délimiter la zone à défricher de la zone à préserver.
Anne Perzo-Lafond