Et si paradoxalement le cyclone Hellen avait éveillé les consciences ? Des questionnements se font jour dans les mairies pour réglementer l’habitat sauvage qui s’est étendu au fil du temps, souvent en zone à risques.
Cela ressemble à une fourmilière : une activité incessante fait tomber les arbres, défricher les terrains sur lesquels peu à peu sont déposés des tôles, des piquets de bois…. Une case est née. L’île se couvre ainsi à flanc de coteaux d’habitats sauvages, qui se cherchent une parcelle.
Mais Hellen vient de donner un coup de semonce. Un cyclone passé au large, peu dévastateur, mais qui a rappelé aux habitants que Mayotte se trouvait dans une zone à risque. Comble de l’ironie, le phénomène s’est produit le jour même où ceux qui devront prendre des décisions ont été élus.
Car les maires ont laissé faire, les nouveaux découvrent, comme en a témoigné Said Omar Oili à Dzaoudzi-Labattoir, un laisser faire sans structuration de la voirie, encore moins du foncier. Résultat : il va être difficile de panser les plaies d’Acoua, le village le plus touché par Hellen, les passages qui devraient être empruntés par des engins le sont à peine par les hommes.
Commencer par le plus facile
Ce constat posé, la tâche semble immense. « Il ne faut justement pas se décourager », indique Jean-Michel Fernandez, ingénieur-conseil connu à Mayotte pour sa moustache digne de celle d’Astérix. Il propose un plan de bataille. « On ne peut pas s’attaquer à tout simultanément. Il faut travailler en deux temps ».
La première cible doit être les quartiers les plus faciles, « récupérer ce qui est récupérable. Les communes doivent y régulariser les habitations, redéfinir les accès routiers ». Ce qui demande des compétences qu’elles n’ont pas toujours, « elles doivent être accompagnées par le département ou l’Etat sur le financement de techniciens ou de bureaux d’études. Par exemple, le travail d’alignement dans les quartiers qui n’a pas été fait ici, a été de l’initiative de l’Etat en métropole qui a ensuite relayé aux maires ».
Dans un deuxième temps, il faudra s’attaquer aux zones à risque, inondables ou de glissement de terrain, « c’est le cas à Sada où on a laissé des constructions en dur se bâtir sur la colline », ou à Mtsapéré dans la zone inondable où il évalue à 300 le nombre de familles à reloger, « mais il n’y a pas de terrains pour les reloger ». C’est aussi le problème des terrains en Zone des Pas géométriques, que l’Etat vend à ses occupants coutumiers, mais dont certains seraient en zone inondable.
Maires et Etat main dans la main
D’autre part, lorsque le foncier existe, il suffit de déplacer des familles pour que d’autres prennent leur place. « A Tsoundzou, on a fait sortir les clandestins de la mangrove… ils se sont installés à flanc de colline. On n’a juste déplacé le risque ! ».
En résumé, « titrons et aménageons là où c’est possible, et dès qu’une problématique de vient complexe, menons une réflexion avec les services de l’Etat ».
La DEAL (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) justement, va plutôt dans ce sens : « nous devons faire œuvre de pédagogie auprès des élus et concevoir avec eux une remise à niveau des écoulements, des canalisations des cours d’eau et des bangas éventuellement à déplacer ailleurs ».
Et en ce qui concerne Acoua, la situation financière de la commune dont le budget est suivi par la Cour des Comptes, a incité les services de l’Etat à proposer des solutions dans l’urgence, « mais aussi à prévenir des constructions à proximité des ravines ».
Pour Jean-Michel Fernandez, la question du risque n’était jusqu’à présent qu’effleurée à Mayotte, « on en a pris conscience maintenant. En tout cas, il faut une volonté politique : « sans celle du maire, toute son équipe se découragera ».
Anne Perzo-Lafond
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