“On va sauver des vies” salue Issa Issa Abdou, président du CHM. Depuis le moins d’août en effet, l’hélicoptère de la gendarmerie, seul appareil présent en permanence à Mayotte, peut se poser directement au cœur du CHM pour y déposer les patients. Jusqu’à présent, il lui fallait se poser au stade de Cavani et passer par une ambulance pour rejoindre les urgences. Une perte de temps potentiellement fatale.
Le projet d’un espace d’atterrissage au sein du CHM était donc dans les cartons de longue date. Une hélistation avait été évoquée, mais ce terme implique un équipement de ravitaillement sur place. Le CHM a opté pour une hélisurface, un simple espace destiné à se poser en sécurité. Celui-ci est installé en face de la salle Mélanie, inaugurée l’année dernière, et du Centre médico-psychologique.
L’hélisurface a vocation à réduire le temps d’intervention du Smur. Ainsi, un secours à Bouéni pouvait nécessiter 40 minutes, il faut désormais trois fois moins de temps. Les barrages de 2018 avaient eux aussi pointé l’urgence d’un tel équipement. Celui du CHM ayant été inauguré ce lundi, d’autres devraient voir le jour dans chaque centre de référence.
Mais l’hélisurface ne résout pas le principal problème du Smur. En effet, l’hélicoptère, le seul, l’unique à Mayotte, appartient à la gendarmerie. Or, l’Etat a été clair sur sa volonté de le mobiliser davantage dans la lutte contre l’immigration clandestine, notamment en mer. Parallèlement, les besoins sanitaires ont augmenté. En trois ans, le nombre de secours aux personnes par l’hélicoptère de la gendarmerie a été multiplié par trois, passant de 14 à 38 missions en 2018 pour 42 personnes secourues au total. Depuis août, l’hélicoptère s’est déjà posé 15 fois au CHM. Dès lors, la question d’un appareil à usage strictement médical se posait. “A la question, est-ce qu’on va acheter un hélicoptère, la réponse est oui”, tranche Issa Issa Abdou, président du CHM. Tout en précisant que ce coûteux outil ne sera pas réservé au Smur mais sera “interservices”, partagé notamment avec les pompiers.
L’autre problème auquel doit répondre le CHM, c’est celui des évacuations sanitaires vers La Réunion. Pour l’instant, Mayotte dépend des vols commerciaux d’Air Austral. Là encore, les délais sont parfois incompatibles avec des situations d’urgence médicale. “Nous pensons qu’il faut que les choses soient plus fluides et que nous ayons une alternative sérieuse face à Air Austral, avec un avion basé à Mayotte” souhaite Issa Issa Abdou. Toutefois contrairement à l’hélicoptère, “il n’est pas question qu’on achète un avion”. Des discussions “très avancées” sont en cours avec des entreprises qui auraient démarché le CHM pour cette prestation. L’avion-taxi proposé en début d’année par Air Austral pour émanciper Mayotte de ses vols commerciaux n’a pas été retenu et n’est même “pas une hypothèse de travail”, l’appareil ne correspondant pas aux besoins du CHM, et n’étant pas basé à Mayotte. Issa Issa Abdou évoque “un effet d’annonce”.
Mais alors qu’est-ce qui pousserait d’autres prestataires à subitement contacter le CHM pour lui proposer de baser un appareil à Dzaoudzi ? La réponse est à chercher au large de la côte est-africaine, où ExxonMobil lorgne sur le gaz du Canal du Mozambique. Des experts de la société International SOS, cliente d’ExxonMobil ont visité le CHM et émis un avis positif pour faire de l’établissement mahorais le centre de référence des prises en charge médicale des employés de plate-forme gazière.
En clair, le pétrolier chercher quel hôpital est le mieux placé pour prendre en charge ses agents le plus vite et le mieux possible. La présence d’un hélicoptère capable d’aller chercher les patients, de standards de pointe au sein de l’établissement mais aussi de moyens aériens pour rallier la Réunion et son offre de soin sont des prérequis pour que Mayotte obtienne ce juteux contrat. Et naturellement, le secteur privé a bien compris l’énorme opportunité que représenterait un investissement à Mayotte dans ce cadre-là.
Quant à la population, elle pourra enfin bénéficier d’équipements qui semblent être le minimum dans un département français, mais qui n’étaient pas officiellement à l’ordre du jour il y a à peine quelques mois.
Y.D.