Dominique Voynet a à la fois le beau rôle et la tache ardue. C’est elle qui doit parer d’une robe de bal celle qui fut délaissée et en quasi-haillon par une gestion régionale qui lui préférait sa grande sœur, La Réunion. Tout le monde lui en sera gré. Mais un travail qu’elle doit mener sur un territoire à l’identité culturelle forte, et dont elle doit s’imprégner, gageons que son adjoint Mouhoutar Salim saura la guider, lui éviter les chausse-trapes, et surtout portera la communication avec les clés et les codes audibles par la population.
Plus que lus, ses vœux, la directrice de l’ARS Mayotte, les a martelés, avec force. Pour lancer d’abord un « ça y est, c’est fait ! Mayotte dispose enfin de SON agence régionale de santé. » Un combat mené notamment par la population début 2018, car la demande avait reçu peu d’écho à Paris, « où elle était mal connue ». Souvenons-nous que l’Antenne mahoraise de l’ARS ne recevait que le tiers de son dû en matière de dépense de santé, et pourtant, « il a fallu convaincre que cette revendication n‘était pas un caprice », rapporte la directrice.
A l’entendre, la mobilisation est désormais totale à Paris, tout au moins au ministère de la Santé et à l’administration générale, avec « le renforcement des effectifs à 144 », et des « crédits d’intervention qui ont plus que triplé depuis 2017. »
Dans les faits, l’accent est mis sur les priorités propres à Mayotte. Suffisamment inédit pour que nous les énumérions lorsque c’est nécessaire.
Mayotte l’oubliée
Il s’agit tout d’abord de préparer Mayotte aux risques, et parmi le plus urgent, le risque infectieux. Et parce qu’ils résument le contexte, l’ex-ministre les énumère, fièvre de la vallée du Rift, cas de paludisme, dengue, lèpre, tuberculose, diphtérie, leptospirose, hépatite, fièvre typhoïde… Mais aussi risques climatiques, cycloniques, volcaniques, sismiques, de submersion marine, ou encore, ceux liés à l’environnement et aux activités humaines.
Face à ça, des manques, graves. « Ça a été une mauvaise surprise pour moi de constater à mon arrivée à Mayotte que le plan régional santé-environnement, préparé à La Réunion, n’avait pas été réalisé à Mayotte. » Dans la même veine, plan ORSAN de prise en charge sanitaire dans des cas exceptionnel, inexistant, crédits « restés coincés à La Réunion », pour le Poste sanitaire mobile, salle de crise de l’ARS non équipée, etc.
La 2ème priorité porte sur une meilleure santé pour la population, et un travail sur la prévention. Accès à l’eau potable pour tous, résorption de l’habitat insalubre, lutte contre les moustiques et l’accumulation de déchets, réduction des accidents domestiques, amélioration de la couverture vaccinale, nutrition, etc. La liste aurait pu être encore plus longue, car entendre une ARS énumérer les besoins de l’île, c’était déjà un plus.
Si elle appelle à « faire de chacun d’entre (nous) des acteurs engagés de la politique de santé », Dominique Voynet interpelle les maires pour mettre en place un adjoint de santé dans les communes. C’est ce qui permettra aussi de tisser le réseau de santé communautaire dont a en charge Mouhoutar Salim.
« Le CHM commence à devenir attractif »
La 3ème priorité est d’adapter le système de santé à l’évolution démographique de Mayotte. Et d’employer le verbe « militer » pour demander le complément de couverture sociale Complément Santé Solidaire et Aide Médicale d’Etat (AME). Délégation de tâche, « qui n’est pas une médecine de pauvre pour les pauvres », et modernisation de l’hôpital au programme. Un chapitre est d’ailleurs entièrement consacré au CHM.
Comme l’a annoncé le président Macron, un 2ème hôpital verra le jour, « nous cherchons le site », et en attendant il faut investir dans l’actuel, « ce navire amiral de la politique de santé ». Car il n’y en a pas d’autres. Son image, Dominique Voynet veut la redorer avant tout : « Je ne sous-estime pas les difficultés de recrutement, de stabilisation des équipes et d’organisation des évasans, ni la saturation de certains services aujourd’hui sous-dimensionnés, mais rien ne justifie qu’on en parle si souvent de façon négative. » Equipements, traitements des pathologies graves, « il commence à devenir attractif pour les internes et les chefs de clinique. »
Pas de « CHU à 2.500 lits » en vue, mais « un hôpital ancré dans son territoire, avec des parcours de soin cohérents. » Avec une demande de « militante », celle d’un avion sanitaire pour « faciliter les évasans ». Enfin, l’installation de places dédiées aux personnes handicapées et aux personnes âgées doit amener à en ouvrir 1.500 « d’ici 2022 ».
Le dernier message sera politique, pour expliquer avoir entendu les tensions générées par l’afflux des migrants, « la question monopolise le débat public », en souhaitant s’expliquer : « Le préfet est dans son rôle quand il fait respecter les lois de la République, le recteur est dans son rôle quand il rappelle que ‘là où il y a un enfant, il y a une école’, l’ARS est dans son rôle quand elle fait respecter le droit à l’eau, le CHM et ses médecins, ses infirmiers, ses sages-femmes sont dans leur rôle quand ils accueillent et soignent les hommes, les femmes, les enfants qui se présentent à l’hôpital avec un seul critère, leur état de santé. La loi le leur impose, leur déontologie l’exige. »
A souligner le sourire et la gentillesse déployés par les lycéens de la section ARCU (Accueil, Relation, Clients, Usagers) du lycée Mamoudzou Nord auprès des très nombreux invités.
Anne Perzo-Lafond
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