La volonté politique de contenir les charges a l’air de tenir la route, « nous avons limité le taux de croissance des dépenses de fonctionnement de la maison à 1,5% du budget », certifie Ben Issa Ousseni, élu en charge des Finances. Le résultat de fonctionnement est de 52 millions d’euros, soit 10 millions de moins que l’année dernière, « en raison des charges de RSA que nous avons assumées. »
La fragilité tient en plusieurs points que nous avions soulevés la semaine dernière avec le Conseil économique et social (CESEM). Tout d’abord, le Département ne percevrait que le quart des sommes dues par l’Etat au titre de la Dotation Globale de Fonctionnement, « 30 millions d’euros par an au lieu de 130 millions dans les autres DOM ». Certes, nous n’exerçons pas toutes les compétences, comme les constructions de collèges/lycées et des routes, de grosses tranches, mais le décalage tient néanmoins dans l’absence d’une remise à jour des compétences qui ont été décentralisées après l’heure à Mayotte.
Pour cela, il existe une instance, la Commission Consultative sur l’Evaluation des Charges, que le conseil départemental n’a toujours pas saisie. Et pour cause, nous explique le président Soibahadine : « Nous devons auparavant saisir une Commission locale chargée d’évaluer les charges, qui doit être présidée par un magistrat. Elle avait été mise en place, mais le magistrat nommé a quitté l’île, et depuis, nous n’avons plus de nouvelle. » Il a échangé à ce sujet avec le président Ben Kemoun du tribunal Judiciaire. On en attend beaucoup.
Le STM, EPIC et pic et colégram
Autre fragilité, la diminution localement des valeurs locatives de 60% ouvrant la voie à la disparition de la taxe d’habitation : « Pour compenser le manque à gagner pour les communes, nous leur transférons une partie de la taxe foncière sur les propriétés bâties. » On renvoie l’élu à la préconisation du CESEM qui incite le conseil départemental, principal propriétaire foncier, à faire immatriculer ses terrains, permettant aux communes d’accroitre leurs recettes d’impôt foncier.
Deux des trois budgets annexes sont en « déséquilibre structurel », le premier sur la Protection de l’enfance, non apparent en raison des millions versés par l’Etat en compensation depuis 2019, le second sur le Service des Transports Maritimes (STM) très visible, puisque pour équilibrer le budget de Fonctionnement de 15 millions d’euros, le Département verse 11 millions d’euros. Le Conseil économique et social avait fait remarquer que c’était « le seul service de transport de France à ne pas être accompagné par l’Etat », et propose de basculer le statut en Etablissement Public à caractère Industriel ou commercial (EPIC).
Malgré la Dotation Globale de Fonctionnement inférieure à ce qui est attendu, l’élu en charge des finances jugeait que le budget montrait une « forte dépendance à l’Etat, induisant des rigidités des ressources ». Il existe une recette miracle : l’investissement. Bien qu’ils soient en hausse, se montant à 74 millions d’euros en 2019, le département peut encore mieux faire notamment en cofinancement des projets consommateurs de fonds européens. Il actionnerait ainsi des bras de leviers dans le privé qui lui permettrait des percevoir des ressources en retour. Mais ce n’est pas au président de l’Agence de Développement et d’Innovation de Mayotte qu’on va apprendre ça…
Anne Perzo-Lafond
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