Depuis le dernier rendez-vous téléphonique avec Dominique Voynet, le territoire a enregistré un plus haut de 27 cas mardi, soit 55 en 3 jours, sur 339 malades déclarés au total ce jeudi. On apprenait d’ailleurs qu’il fallait en ajouter 6, issus de prélèvement de la veille.
Une situation qui n’inquiète pas pour l’instant la directrice de l’ARS qui la met toujours en lien avec le volume croissant de tests, permis notamment par le potentiel offert par le laboratoire privé. « Je ne crois pas que le virus circule partout dans l’île et que la situation s’aggrave. Sur le pic de 27 cas positifs de mardi, certains étaient issus d’un prélèvement de l’avant-veille, d’autres des 8 cas des arrivées au RSMA, et d’autres, de personnes âgées asymptomatiques. Il faut se méfier des rumeurs sur les réseaux sociaux, une famille qui se disait atteinte par un Covid non testé était en fait contaminée par la grippe. Et les 4 décès enregistrés depuis le début sont liés à des co-pathologies. »
Pour autant, pas question de trancher sur un déconfinement à la date nationale du 11 mai ou plus tard, « ça a fait suffisamment de souk !, lançait Dominique Voynet, c’est notre modèle mathématique qui va nous renseigner, mais nous envisageons un confinement allégé. Et dans ce cas, l’épidémie est devant nous, avec un pic autour du 20 mai. Si nous déconfinons prudemment, nous aurons au plus haut de la vague, 20 à 30 personnes en réanimation, et plusieurs dizaines d’autres en hospitalisation. C’est pourquoi le centre d’hébergement de Tsararano, non médicalisé, va être précieux pour y acheminer des malades qui n’ont plus besoin d’être hospitalisés. »
Confiner, déconfiner, reconfiner… avec les réa en baromètre
Suivant la stratégie nationale, nous allons alterner des phases de confinement-déconfinement, avec comme modulateur l’engorgement ou pas des urgences. On sait que c’était l’objectif du confinement, et qu’il va désormais falloir gérer, en retrouvant un embryon de liberté, l’ampleur d’une contamination qui devra rester supportable pour l’hôpital. La décision se fera « en fonction d’éléments objectifs et scientifiques, et en suivant un arbitrage national pour le territoire. »
Et en s’adaptant aux découvertes en cours, « un jour on nous dit que les enfants colportent le virus en étant malades, ensuite on nous explique qu’ils ne développent pas la maladie. C’est à la fois rassurant dans notre stratégie de déconfinement par étape, et à la fois inquiétant si ces enfants ramènent le virus à la maison. C’est ce qui s’est passé à Kahani. »
Chacun des représentants de l’Etat a envoyé à son ministère ses propositions de déconfinement, le préfet à l’Intérieur, le recteur à l’Education Nationale, et l’ARS à la Santé, qui se base sur son modèle mathématique dont Dominique Voynet a dit quelques mots. « Nous avons établis trois scénarios, basés sur un respect bon, mauvais ou moyen du confinement. Ils nous permettent d’avoir un éventail de personnes atteintes et potentiellement à hospitaliser. » C’est ce choix qui s’avère cornélien, avec un respect devenu allégé à Mayotte.
D’autre part, depuis le début de la semaine, la décision de ne pas seulement tester des personnes développant des symptômes a fait évoluer les choses, et notamment la courbe des cas positifs : « Beaucoup sont asymptomatiques. Nous avons donc décidé d’évaluer les personnes hospitalisées pour d’autre pathologies : les diabétiques, les hypertendues, souffrant d’obésité ou les insuffisants rénaux, mais aussi le personnel hospitalier ou qui travaille auprès des personnes âgées. »
Une partie de la Réserve sanitaire s’ancre sur le territoire
En conséquence, bien que croisé avec les données de l’Institut Pasteur, le modèle utilisé par l’ARS est retravaillé : « Nous voulons faire vérifier la méthodologie, notamment grâce au partenariat avec les mathématiciens de Montpellier, Marseille, Polytechnique, du CUFR de Mayotte et le statisticien de l’ARS. »
La formule de communiqués quotidiens devrait s’enrichir d’informations supplémentaires, pour départager parmi les nouveaux cas, « ceux qui relèvent de l’urgence, ceux qui sont hospitalisés pour une autre cause, les cas contacts et les asymptomatiques ». Ces derniers font donc l’objet d’une campagne particulière de dépistage. Une carte de l’île reflètera la dynamique de guérison, dont le chiffre bloqué à 125 actuellement est lié à un déficit en personnel.
Justement, la Réserve sanitaire d’une vingtaine de soignants devait rester 15 jours, « avec l’assurance d’une rotation ». Neuf d’entre eux ont décidé de rester, « dont des biologistes et des infirmiers, une profession en tension actuellement. » Onze repartent donc, « mais seize arrivent sur l’île ».
Pour tenter de suivre le feuilleton du Koh Lanta local au RSMA de Combani, c’est bientôt la quille pour les voyageurs en provenance des Comores. Sur les 8 testés positifs au Covid, l’un âgé est hospitalisé, 6 sont à Tsararano, « et celui qui était trop jeune pour y partir seul reste confiné au RSMA ». Dominique Voynet continue à préférer un isolement à la maison avec un suivi par l’ARS.
Anne Perzo-Lafond
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